Nagra, histoire du cinéma et archéologie des médias sonores en Suisse

Le projet vise à construire une histoire des machines et des pratiques médiatiques liées aux appareils d’enregistrement sonore suisses Nagra, fabriqués à partir de 1951 par Stefan Kudelski (Varsovie, 1929-Lausanne, 2013), puis par son entreprise située à Cheseaux-sur-Lausanne dans le Canton de Vaud. Dans la continuité du projet FNS « Histoire des machines et archéologie des pratiques : Bolex et le cinéma amateur en Suisse », cette nouvelle recherche a pour ambition de prolonger l’investigation et la valorisation scientifiques du patrimoine technique suisse dans le champ de l’histoire des médias. Le but de ce projet est de saisir les relations entre ces objets techniques que sont les enregistreurs sonores à bande magnétique, appréhendés à partir de leurs caractéristiques de fabrication, de leurs principes de fonctionnement et de leurs potentialités techniques propres, et plusieurs pratiques culturelles du son, en particulier celles du cinéma, de la radio et de la musique, prises dans leurs dimensions techniques, sociales, scientifiques et esthétiques.

Le violoniste Anund Roheim en visite à la Library of Congress (Washington DC). Photo: Carl Fleischhauer

Bien que les magnétophones Nagra, leurs usages et les concepts associés se situent au carrefour d’un ensemble de problématiques contemporaines majeures (portabilité, surveillance numérique, écologie, etc.), ils n’ont pas encore fait l’objet d’une recherche approfondie, pour deux types de raisons qui fondent l’originalité de ce projet : d’une part, les objets techniques ont longtemps occupé une place marginale dans le champ des études médiatiques ; d’autre part, quand bien même cette approche technologique tend à se développer remarquablement depuis quelques années, les problèmes spécifiquement sonores liés à l’enregistrement comme à l’écoute demeurent les moins bien connus et traités. Or, au sein de l’histoire du cinéma, l’arrivée du magnétophone Nagra, soit d’un dispositif d’enregistrement à la fois portable, léger et autonome, a provoqué non seulement un bouleversement de l’économie de la production de films, mais aussi un déplacement de l’esthétique de la bande-son. Si ce projet portera sur cet aspect qui est sans doute le plus connu grâce à des travaux notables sur l’émergence du « cinéma direct », il entendra aussi reconstituer une histoire qui s’est faite à la croisée de plusieurs médias sonores, les appareils Nagra intervenant de façon décisive aussi bien dans le domaine du cinéma que dans ceux de la radio, des musiques enregistrées, de l’ethnomusicologie et de la surveillance.

Afin de développer ces différents aspects de la recherche, le projet se situera à l’intérieur de courants récents et innovants des études cinématographiques et médiatiques : l’histoire des techniques, l’archéologie des médias et les Sound Studies. Enfin, le projet sera structuré autour de trois axes complémentaires : une archéologie des techniques de l’enregistrement sonore, cherchant à mettre au jour les conditions de conception et de production des magnétophones Nagra et de leur environnement technique ; une poïétique des pratiques culturelles du son, s’efforçant de dégager les implications sociales mais aussi conceptuelles de l’introduction des magnétophones dans le milieu du cinéma et des autres médias ; une étude esthétique des usages et des formes du son enregistré, dans les contextes perméables du cinéma, de la radio et de l’ethnographie.

Direction du projet
Benoît Turquety, Professeur associé, Section d’histoire et esthétique du cinéma

Équipe de recherche
Stéphane Tralongo, Maître d’enseignement et de recherche suppléant, Section d’histoire et esthétique du cinéma

Durée du projet
2021-2025