Lausanne coloniale : histoire vivante 

Ce projet de médiation culturelle numérique sera intégré à l’exposition permanente du Musée Historique Lausanne (MHL) sous la forme d’un multimédia comprenant notamment une carte interactive. En se concentrant sur l’acheminement et la commercialisation de denrées dites coloniales aux 19ème et 20ème siècles, cette collaboration entre la Ville de Lausanne et l’UNIL offre à la population un support d’apprentissage retraçant le fait colonial lausannois.

Carte réalisée par Valdete Ilazi et Elisa Verga

Gaële Goastellec, Professeure de sociologie à l’Institut des sciences sociales et responsable du projet à l’UNIL avec Jean-Marie Oppliger, doctorant en anthropologie FNS, et Justine Hirschy, chargée de projet et adjointe au Bureau lausannois pour les immigrés (BLI), nous en disent plus sur le rôle et les objectifs de ce projet de médiation.

Depuis quelques années, le cours de master « Globalisation et circulations » proposé par l’Institut des sciences sociales est réalisé en collaboration avec le BLI. En 2023, ce cours s’est attaché à questionner Lausanne et son passé colonial. Si la Suisse n’a pas eu de colonies à proprement parler, de nombreuses recherches ont démontré l’implication de divers acteurs et actrices[1] dans le phénomène colonial : mercenaires[2], missionnaires[3], scientifiques explorateur·trice·s[4], colons[5] et investisseur·se·s[6]. C’est dans la continuité de ces travaux que les étudiant·e·s ont mené leurs recherches.

Dans le cadre du cours, les étudiant·e·s se sont principalement basé·e·s sur un travail d’archives au sein du MHL et des Archives cantonales vaudoises (ACV). À côté de la production d’un contenu scientifique, ils/elles avaient pour consigne de créer des outils de vulgarisation (exposition, visite guidée, site internet, etc.) pour rendre leur travail accessible au grand public. Cette approche s’inscrit dans la lignée des démarches entreprises par plusieurs villes suisses pour visibiliser leur passé colonial.

Lors de la journée de restitution des travaux, le MHL a exprimé un grand intérêt pour le projet de carte interactive développée par un groupe d’étudiantes. Intégré dans l’exposition permanente du musée dès 2025, cet outil visera à sensibiliser les Lausannois et Lausannoises à un aspect encore méconnu de leur histoire. Plus précisément, le multimédia traitera de la circulation, du stockage et de la commercialisation des denrées coloniales à Lausanne, avec un accent particulier sur le chocolat et la foire coloniale de 1925 à Beaulieu. La réalisation de ce projet a été possible grâce à l’obtention d’un financement Interact en 2024.

Ce projet donne corps aux aspirations du musée de s’affirmer comme lieu de formation et de connaissance ouvert aux interrogations contemporaines. Il résonne également avec la mission du BLI, centre de compétence pour la lutte contre le racisme à Lausanne, qui soutient et promeut les actions contribuant à déconstruire les préjugés et stéréotypes. En développant une conscience historique chez les visiteur·euse·s sur les implications de la ville et de divers acteur·trice·s dans le phénomène colonial, cette initiative s’aligne pleinement sur les objectifs du BLI.

Ainsi, ce projet devient un vecteur privilégié de diffusion de la recherche dans la cité, offrant aux étudiant·e·s une opportunité unique de donner une dimension concrète à leurs travaux académiques.

Gaële Goastellec, Professeure de sociologie à l’Institut des sciences sociales, membre du Laboratoire capitalisme, culture et sociétés (LACCUS) et de l’Observatoire science, politique et société (OSPS)


[1] DAVID T., ETEMAD B., SCHAUFELBUEHL J. (2005), La Suisse et l’esclavage des Noirs, Lausanne, Antipodes ; PURTSCHERT, P., FISCHER-TINÉ, H. (eds.) (2015), Colonial Switzerland – Rethinking Colonialism from the Margins, Londre : Palgrave Macmillan ; MINDER, P. (2011). La Suisse coloniale : les représentations de l’Afrique et des Africains en Suisse au temps des colonies (1880-1939). Bern : Peter Lang.

[2] SCHÄR B.C, (2022), Switzerland, Borneo and the Dutch Indies: Towards a New Imperial History of Europe, c.1770–1850, Past & Present, Volume 257, Issue 1, Pages 134–167.

[3] MORIER-GENOUD, E. (2020) Convertir l’empereur. Journal du missionnaire et médecin George-Louis Liengme dans le sud-est Africain 1893-1895, Lausanne, Antipodes, col. « Histoire ».

[4] ROSSINELLI F. (2022), Géographie et impérialisme, De la Suisse au Congo entre exploration géographique et conquête coloniale, Neuchâtel : Éditions Alphil-Presses universitaires suisses.  

[5] LUTZELSCWAB, C. (2006), La compagnie genevoise des Colonies suisses de Stétif (1853-1956). Un cas de colonisation privée en Algérie. Bern, Berlin, Bruyelles, etc. : Peter Lang.

[6] PAVILLON O. (2017), Des Suisses au cœur de la traite négrière. De Marseille à l’Île de France, d’Amsterdam aux Guyanes (1770–1840), Lausanne, Antipodes.