Rémunération et Professionnalisation. Transformations des élus des exécutifs urbains en Suisse (1945-2018)
Karim Lasseb a effectué un doctorat sur la rémunération et la professionnalisation des exécutifs politiques des grandes villes suisses dans le cadre du projet FNS intitulé « Urban Transformations and Local Political Elites. A Comparative Study among four Swiss Cities ». Cette thèse conclut une formation académique qui a débuté avec un Bachelor en science politique, un séjour à l’Université de Sussex et à Berlin. Elle s’est poursuivie avec un Master dans la même discipline à l’Université de Lausanne. Dans son travail de mémoire, Karim Lasseb réalise une historiographie portant sur la puissance économique et politique de la Suisse dans le monde. Ses intérêts de recherche portent notamment sur les classes dominantes helvétiques et se situent entre la science politique, la sociologie, l’histoire et l’économie politique.
Cette thèse de doctorat vise à questionner la relation qu’il y a entre les conditions matérielles des fonctions politiques exécutives urbaines et la sociologie des élites politiques. Elle constitue la première recherche diachronique et comparative portant sur la rémunération des mandats politiques exécutifs et le profil sociologique des membres des exécutifs des grandes villes suisses.
Dans un premier temps, à travers une recherche historique dans les archives des villes de Zurich, Lausanne, Lucerne et Lugano pour la période 1945-2018, cette thèse démontre que le mandat exécutif urbain s’est très tôt professionnalisé. Elle relève notamment le fait que la professionnalisation ne consiste pas à simplement rémunérer le travail politique en tant que tel, mais à attirer des catégories sociales bien précises qui vont occuper ces fonctions dans un processus de division sociale du travail politique.
Dans un second temps, cette thèse effectue une prosopographie des élus des exécutifs (N=174). Cette analyse sociographique permet de montrer que, d’un côté, là où le mandat est faiblement rémunéré et à temps partiel, règnent des notables occupant une profession libérale, au bénéfice d’une aisance économique et tirant leur notoriété de leur prestige familial et social. De l’autre côté, dans les villes où le mandat est professionnalisé, celui-ci est occupé majoritairement par des cadres du secteur public et des professions politiques qui tirent leur légitimité de leur parcours et « compétences » gestionnaires.
Ainsi, cette thèse souligne l’effet contradictoire de la professionnalisation à travers l’affirmation de nouvelles sélectivités favorisant l’accès au pouvoir de professionnels. Au lieu de démocratiser la fonction en permettant à tout type d’élus d’en vivre, la professionnalisation favorise le progressif remplacement d’une ancienne élite de notables par une nouvelle élite de professionnels de la politique. Si le profil des élus change par une relative ouverture du profil, par le passé comme aujourd’hui, ce sont des catégories sociales qui se distinguent du reste des habitants qui ont le droit de façonner la ville selon leur propre regard et intérêt.