Dans un contexte sanitaire où se délier, s’isoler et se protéger les uns des autres s’imposent comme des lignes de conduite, la notion même de société a perdu de son évidence. En effet, alors que la pandémie creuse les inégalités et amplifie les injustices, elle tend aussi à transformer le cours habituel de nos relations, notamment familiales, professionnelles ou publiques, en un domaine appauvri, dans lequel la « vie nue » semble peu à peu supplanter « la vie bonne », et où règnent des passions tristes, l’anxiété, la peur et la colère en particulier. Ce sont ces troubles de l’émotion et de l’interaction que se propose d’analyser ce projet FNS en se penchant sur la manière dont ces bouleversements, qui touchent directement aux contacts physiques et à la coprésence des corps, affectent notre rapport aux autres et à soi et modifient potentiellement le sens même du lien social.
Il vise particulièrement à analyser les réussites ou les échecs des nouveaux rituels et dispositifs de communication ainsi que les implications du port du masque et de la « distanciation sociale » en adoptant deux types de méthodes qualitatives. Le premier type de données consiste en des observations (auto)ethnographiques de situations publiques (rues, supermarchés, restaurants, transports, cours à l’Université, etc.) ainsi que d’interactions médiatisées, telles que des prises de parole publiques ou des échanges sur les réseaux sociaux. Le deuxième type de données consiste en des entretiens menés avec des personnes venant de milieux socio-professionnels variés.
Cette recherche FNS de deux ans est dirigée par la Professeure Laurence Kaufmann (THEMA/ISS). Deux chercheuses complètent l’équipe : Fabienne Malbois, responsable Senior de la recherche et par ailleurs partenaire scientifique du projet à la HETSL, et Marine Kneubühler, chargée de recherche Junior. La recherche, qui a débuté en juin 2020, développe plusieurs axes d’investigation : (i) les médiations qui se tissent entre les politiques d’interpellation gouvernementales et journalistiques (analyses de données médiatiques par LK, FM, MK), (ii) la gestion des interactions dans les lieux publics et l’espace public urbain (ethnographies par FM, MK), (iii) la reconfiguration de la relation pédagogique (à l’université) via les dispositifs d’enseignement à distance (FM, MK, LK), (iv) les transformations de l’accompagnement en EMS (FM), (v) le vécu en première personne des différentes mesures d’hygiène et de distanciation (autographies du port du masque par MK et entretiens par FM et MK).
Le projet est lié plus largement à l’ensemble d’enseignant-e-s chercheur-e-s qui a constitué, en avril 2020, un blog collectif : https://covies20.com. Ouvert aux chercheurs aguerri·e·s comme aux étudiant·e·s, le blog Co-vies20 vise aussi bien à documenter notre expérience individuelle et collective qu’à la réfléchir à l’aide des agrafes conceptuelles propres aux sciences sociales.
Prof. Laurence Kaufmann (ISS), Fabienne Malbois, Marine Kneubühler