Usage conditionnel et inconditionnel des droits humains dans la vie quotidienne
Après une Licence ès sciences sociales et un Diplôme d’études supérieures spécialisées (DESS) en globalisation et régulation sociale, Emmanuelle Anex a défendu sa thèse de doctorat le 2 novembre 2018 sous la direction du Prof. honoraire Alain Clémence (IP). Ses intérêts de recherche portent sur les droits humains, l’identité et les formes de citoyenneté. Parallèlement, Emmanuelle est impliquée dans des programmes de sensibilisation visant à lutter contre les discriminations et coordonne des projets d’action citoyenne participative.
La présente thèse est consacrée à la question de l’usage des droits humains (DH) par les personnes. Elle s’inscrit dans la lignée du champ de recherches sur les DH en représentations sociales (RS). A ce titre, elle a pour but de développer la question des dilemmes dans l’application de ces droits et de saisir les raisonnements qui prévalent dans les positionnements individuels à l’égard de cette application.
Dans cette optique, cette recherche s’appuie sur trois axes. Premièrement, un éclairage historique présente la difficile conciliation entre les principes d’universalité et d’inaliénabilité et leurs limites. Cette approche sert à mettre en perspective le décalage entre des principes abstraits et des droits socialement ancrés, à faire ressortir l’ambivalence, ou la tension qui en résulte et à montrer que la détermination des ayants droit est faite selon des critères relatifs aux catégories d’appartenance ou au comportement. Deuxièmement, les RS permettent d’objectiver la Déclaration Universelle des droits de l’Homme (DUDH) et ses dilemmes lors de leur usage courant puis de mettre en relief les différences de positionnements relatifs à leur ancrage. Enfin, une approche intergroupe montre comment les DH et les dilemmes sont ancrés dans les groupes sociaux et éclaire sur les enjeux motivationnels liés au favoritisme du groupe d’appartenance. Ces trois éléments théoriques permettent de saisir les raisons pour lesquelles l’application des DH, malgré un cadre de référence commun, fait émerger des positionnements différenciés.
Dans l’ensemble, les résultats ont démontré que l’application des DH implique un raisonnement intermédiaire confrontant les éléments liés au contexte à ceux liés aux paramètres individuels. Ces paramètres modulent la perception du contexte d’application – perception liée aux enjeux motivationnels visant à favoriser le groupe d’appartenance – et induisent la variabilité de positionnement sur les DH. Il en résulte différent·e·s formes et profils de conditionnalité : une application inconditionnelle, une conditionnée de manière a priori, qui tient compte des appartenances groupales, et une a posteriori, qui se focalise sur les comportements. C’est bien l’espace discursif entre principes et limites qui permet la variabilité des positionnements et l’appréhension du contexte et les caractéristiques personnelles qui en expliquent les formes.