Après un bachelor (2008) et un master (2010) en science politique, ainsi qu’une expérience de plusieurs années dans l’enseignement secondaire et spécialisé, Thierry Rossier a obtenu un doctorat ès science politique à l’Université de Lausanne en juin 2017 (Membres du jury : Prof. Roberto Baranzini, Vice-doyen (Président); Prof. André Mach, IEPHI (Directeur de thèse); Prof. Felix Bühlmann, ISS (Co-directeur de thèse); Prof. Mikael Börjesson, Université d’Uppsala; Prof. Thomas David, IEPHI; Prof. Frédéric Lebaron, Ecole Normale Supérieure Paris-Saclay; Prof. Franz Schultheis, Université de St-Gall). Au cours de sa thèse, il a notamment publié dans les “Cahiers de recherche sur l’éducation et les savoirs” et dans “l’European Journal of Sociology”. Il a également participé à présenter ses résultats dans plus de dix conférences internationales dans des universités européennes renommées. Il est actuellement en train de développer un projet postdoctoral sur les réseaux d’élites suisses.
Affirmation et transformations des sciences économiques en Suisse au XXe siècle
Cette thèse questionne l’affirmation et les transformations des sciences économiques (économie politique et gestion d’entreprise) en Suisse au XXe siècle. Nous utilisons une base de données biographiques sur cinq cohortes (1910, 1937, 1957, 1980, 2000) de professeurs d’université (N=561). Premièrement nous montrons que les sciences économiques s’affirment institutionnellement et disciplinairement dans l’académie. En particulier le capital académique (positions de recteurs) des professeurs de sciences économiques est le plus important parmi toutes les disciplines dans la période récente. Deuxièmement les professeurs de sciences économiques deviennent les professeurs les plus représentés parmi les élites économiques suisses (les grands patrons). Certains réalisent également des carrières parmi les élites politiques (les élus nationaux) et les élites administratives (les hauts fonctionnaires fédéraux). Nous observons une standardisation des carrières des professeurs entre deux types de profil : purement académique et partiellement extra-académique. Troisièmement nous montrons un processus de « nationalisation » des profils de professeurs après 1918 et de ré-internationalisation après 1945. Nous observons un déplacement d’une internationalité d’« excellence » scientifique des pays germanophones et francophones vers les USA.
Finalement nous voyons que le capital scientifique (citations dans des revues prestigieuses) est lié au capital cosmopolite (internationalité) et opposé aux capitaux académique, économique et politique, plus nationaux. Quatrièmement cette opposition est confirmée par l’étude des interactions entre différents capitaux des professeurs. Nous identifions ainsi d’un côté un pôle scientifique et international et de l’autre un pôle « mondain », caractérisé par des capitaux nationaux, académiques, politiques et économiques. Le pôle scientifique utilise de plus en plus les mathématiques, et chacun des deux pôles a ses propres domaines de spécialisation. Nous observons que la dominance parmi les professeurs, outre l’usage de mathématiques et l’étude d’objets particuliers, se traduit également par une interdisciplinarité relativement soutenue, particulièrement avec les sciences « dures ».
En conclusion nous affirmons que c’est par cette division du travail entre deux pôles de professeurs, ceux liés à la pratique scientifique et à l’excellence internationale, et ceux liés à l’administration des universités, des entreprises et de l’Etat, et par le renforcement historique de cette division, que les professeurs de sciences économiques sont « partout » et que la discipline a pu affirmer son pouvoir dans la société suisse.