Jérôme Berthoud est sociologue du sport, spécialiste de l’intégration et des migrations sportives. Durant son parcours de doctorant, il a bénéficié d’une bourse FNS Doc.Mobility pour rejoindre l’Institut des Mondes Africains qui fait partie de l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS) de Paris. En juin 2017, il a soutenu une thèse de doctorat à l’Institut des sciences du sport de l’Université de Lausanne (ISSUL) sur l’après-carrière des footballeurs camerounais (directeurs de thèse : Pr. Fabien Ohl et Pr. Nicolas Bancel). Enfin, depuis le mois de juin 2017, il coordonne la nouvelle Ecole doctorale de l’ISSUL en parallèle à ses travaux de recherche.
« Devenir, être et avoir été » un footballeur camerounais
Ce travail de doctorat porte sur l’après-carrière de footballeurs camerounais. Cette recherche vise à comprendre comment ces individus construisent leur devenir, sur le plan professionnel, mais aussi de manière plus large sur le plan social, que cela soit en Europe, en Afrique ou entre les deux. Les rares travaux de sociologie centrés sur les carrières de sportifs d’élite ont focalisé leur intérêt sur des athlètes européens et nord-américains. Par conséquent, peu de recherches prennent en compte les éléments socio-culturels qui permettent de comprendre leur après-carrière, et qui se sont avérés centraux dans ce travail.
Les résultats ont montré que la question de l’après-carrière était perçue par les footballeurs camerounais comme un déclassement. L’embarras suscité par les questions posées par Jérôme Berthoud ont permis d’identifier un « déni » des difficultés de « retraite sportive ». La découverte de toute une série de constructions d’espoirs à la fois individuels mais aussi, et peut-être surtout, collectifs, vient expliquer la difficulté de sortir d’une carrière de football et les stratégies mises en place par les joueurs pour continuer de faire valoir leur grandeur « en interne ».
La question de l’après-carrière semble ainsi largement dépasser le cadre individuel du sportif, pour s’insérer dans un cadre plus large de relations sociales complexes. On ne réussit pas que pour soi mais pour sa famille élargie. Par conséquent, l’échec personnel est aussi perçu comme l’échec de tout un collectif. L’après-carrière semble ainsi être d’autant plus difficile à gérer qu’elle implique un large collectif dans l’attente d’un soutien financier. Une dé-conversion en fin de carrière implique non seulement un deuil par rapport à son ancien statut de sportif mais également une mise à distance ou une renégociation de son réseau, avec les conséquences que cela peut avoir sur les relations entretenues avec les personnes impliquées dans ce projet collectif.
Les données de ce travail proviennent d’entretiens effectués sous la forme de « récits de vie » avec une trentaine d’anciens footballeurs camerounais nés entre les années 1950 et 1980, rencontrés au Cameroun, en France et en Suisse. Cette démarche a été complétée par une approche plus qualitative, auprès des certains joueurs et de membres de leur famille. Sur le plan théorique, Jérôme Berthoud s’inspire de la sociologie des carrières, qu’il articule avec une sociologie des dispositions, en tenant compte des caractéristiques socio-anthropologiques des milieux dans lesquels les joueurs grandissent, évoluent professionnellement et enfin dans lesquels ils cherchent à se construire une nouvelle vie.