La question du dopage, qui ponctue l’histoire du cyclisme, a longtemps été abordée comme une faute individuelle liée à une éthique défaillante. Or, cette façon d’approcher le dopage conduit à en ignorer les dimensions collectives et la genèse sociale. Soutenu par le FNS, un projet dédié à cette question a débuté en octobre 2016 sous la direction du Prof. Fabien Ohl (ISSUL).
Contexte scientifique et social
Diverses recherches indiquent que les modes de socialisation et d’organisation du travail des cyclistes constituent des facteurs de risque de dopage déterminants. En revanche, la façon dont les effets des socialisations antérieures et les modes d’organisation des équipes interagissent a peu été explorée. Dans quelles conditions des équipes « vertueuses » peuvent-elles influencer des cyclistes socialisés à une culture favorable à la pharmacologie illégale ? A l’inverse, comment des cyclistes déterminés à ne pas prendre de produits dopants peuvent-ils faire face à des équipes moins « vertueuses » ?
Contenu et objectifs
L’enjeu est ici de comprendre comment des organisations peuvent impacter le rapport des individus au dopage par leur fonctionnement, leurs ressources, leur organisation de la production de performance, leur gestion des emplois et des compétences et plus largement leur culture. Ce projet soulève des questions essentielles en sociologie en s’intéressant aux effets des organisations et aux conditions sociales favorables à la capacité des individus à résister aux organisations ou à contribuer à les transformer.
L’analyse de la politique anti-dopage montre que l’utilisation de produits illégaux dans un contexte sportif a été (et demeure toujours) principalement considérée comme un vice moral de l’athlète. Cette perception du dopage a mené à des mesures dissuasives, entraînant des démarches particulièrement invasives à l’encontre de la vie privée des athlètes. Malgré plusieurs initiatives qui considèrent le rôle de l’entourage des athlètes, la représentation du dopage comme menace individuelle portée à l’intégrité du sport ignore la dimension sociale d’un phénomène qui est loin d’être limité à des choix individuels.
Ce projet est destiné, entre autres, à évaluer les risques organisationnels liés au dopage dans les équipes de cyclisme d’élite, et notamment les effets des modèles d’organisation des équipes (type d’organisation des entraînements, surveillance médicale et gestion de carrières) sur la précarité du travail, qui est un facteur majeur de vulnérabilité au dopage. La recherche sera réalisée avec huit équipes cyclistes des meilleures divisions mondiales à partir de méthodes qualitatives (entretiens) et quantitatives (analyse de bases de données).
Ce projet de trois ans permettra de mieux comprendre les effets des modes d’organisation des équipes de l’élite sur les conduites des cyclistes. Il devrait contribuer à alimenter les recherches tant dans le domaine de la sociologie du sport que dans le domaine de la sociologie du travail, et les réflexions sur l’application des travaux sociologiques à la prévention du dopage.
Fabien Ohl, professeur (ISSUL)