Les scolarités des fortunes internationales entre refuge et placement. Socio-histoire des pensionnats privés suisses
Caroline Bertron est une ancienne élève de l’Ecole Normale Supérieure (Paris). Après un Master de sciences sociales à l’EHESS, elle a été doctorante contractuelle à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne pendant trois ans, puis chargée de cours à Sciences Po Paris. En 2016-2017, elle enseigne la sociologie à l’Université de Rouen. Sa recherche a été réalisée sous la direction de la Prof. Anne-Christine Trémon (ISS) et d’Anne-Catherine Wagner (Université de Paris 1 Panthéon Sorbonne). Caroline Bertron a soutenu sa thèse à Paris le 2 décembre 2016.
La thèse étudie, à partir du cas des pensionnats privés internationaux de Suisse romande, les mécanismes de l’acquisition d’un pouvoir social sur l’espace et d’une gestion spatiale des ressources, notamment économiques, pour les établissements et pour les élèves. La thèse porte sur les mécanismes par lesquels les pensionnats produisent des ancrages sur le territoire suisse pour les élèves et les anciens élèves. Cette recherche repose sur des entretiens semi-directifs auprès de plusieurs établissements privés, avec directeurs et managers, anciens élèves, enseignants et tuteurs d’internat et sur un travail socio-historique et quantitatif.
La première partie étudie au xxe siècle la genèse progressive du secteur du secondaire privé des « pensionnats pour étrangers » et des « écoles internationales » de la région lémanique. L’attraction des grandes fortunes, notamment européennes et états-uniennes, dans ces écoles privées et l’organisation locale de ce secteur éducatif se sont appuyées sur des discours et des pratiques liées aux ressources du territoire suisse. Si les pensionnats suisses occupent aujourd’hui une place périphérique dans le monde international des certifications d’une éducation « d’élite », récemment, de nouveaux processus d’intégration financière mondiale et de défense de la place éducative suisse permettent de redéfinir leur mise en concurrence dans un espace international « d’écoles d’élites ».
La deuxième partie porte sur le rôle que joue l’espace suisse dans des stratégies de placement multidimensionnelles en pension par les familles fortunées et sur les rapports à l’espace suisse des élèves et anciens élèves.
La notion d’école « refuge » prend un triple sens, celui d’éducation « familiale » et affective de la vie à l’internat, celui d’un évitement des institutions très sélectives sur le plan scolaire et celui lié à un envoi en pension sur le territoire suisse. Les origines nationales des élèves se sont progressivement transformées depuis les années 1950 pour accueillir des nouvelles fortunes non européennes et non américaines, mais les anciens élèves continuent de revenir ou de rester en Suisse. Les forces de rappel des anciens élèves sur le territoire suisse sont le fruit d’une tension : manifestation d’une centralité suisse de leurs carrières financières, espace protecteur face à des incertitudes familiales, politiques et nationales.