Self, mémoire épisodique et narration chez l’enfant de 6-9 ans
Après un apprentissage d’employé de commerce, Sacha Roulin s’oriente vers la psychologie via le gymnase du soir. Il obtient sa Licence en psychologie à l’UNIL en 2006, ainsi qu’un diplôme de philosophie de la faculté des Lettres. Dès lors, il se lance dans un travail de thèse sur la notion de self (qu’est-ce que la conscience d’être soi ?) en parallèle d’une formation en psychothérapie psychanalytique. Il a soutenu sa thèse en mars 2016, sous la direction de la Prof. Françoise Schenk et travaille actuellement dans un cabinet privé à Lausanne.
Le self est une notion polysémique ; pourtant, il existe un relatif consensus scientifique dans plusieurs domaines, dont la psychologie du développement. Le self c’est la faculté de s’éprouver le même au fil du temps et de pouvoir distinguer le « je » qui regarde du « moi » regardé : le self implique toujours la notion de réflexivité et d’intersubjectivité. Trois facettes du self chez l’enfant ont été observées : la narration ainsi que la mémoire épisodique et la mémoire de travail. La question qui sous-tend ce travail est : « comment est-il possible de conserver un sens de soi plus ou moins cohérent au fil du temps, avec tous les changements qui surviennent au cours de la vie » ? Pour cela, nous avons créé un jeu informatique (jeu du lutin) qui permet une narration de soi dans son expérience à un monde imaginaire, dans l’après-coup de la passation du jeu. Nous avons également utilisé un test de mémoire de travail visuospatiale.
Des différences développementales ont été observées tant dans les dimensions narratives liées à la mémoire de l’épisode du jeu, que dans les dimensions de mémoire de travail (n = 24 répartis en deux groupes de 6-7 et 8-9 ans). Ces développements ont été interprétés comme une augmentation chez l’enfant entre 6 et 9 ans, de « l’épaisseur temporelle de la conscience ». Cette notion renvoie à la faculté de construire une histoire qui se rapporte à une expérience – et donc une narration de soi – en faisant une mise en sens des différentes temporalités et des différents espaces auxquels l’histoire se réfère.
L’épaisseur de la conscience renvoie fondamentalement à la faculté du self de vivre le temps dans une cyclicité incluant le passé, le présent et le futur anticipé. Ainsi, le self se développe en élargissant ses possibilités de prise en compte de mémoires et de scénarios futurs, en même temps que ses mises en sens dans ses relations aux autres et à lui-même.