Perspectives professionnelles et bien-être après une fermeture d’entreprise. Résultats d’une enquête sur des travailleurs industriels en Suisse
Isabel Baumann est titulaire d’une Licence en sciences de la société de l’Université de Fribourg. Elle a réalisé sa thèse sous la direction de Prof. Daniel Oesch et était assistante diplômée au Centre de recherche sur les parcours de vie et les inégalités (LINES) à l’Institut de Sciences Sociales (ISS). Son domaine de recherche est la sociologie économique, plus particulièrement les études du marché du travail.
Notre étude analyse l’impact des fermetures d’entreprises sur les travailleurs licenciés. Nous examinons les chances de réinsertion dans le marché du travail et – pour ceux qui l’ont fait avec succès – dans quels secteurs, pour quels salaires et avec quelle qualité d’emploi ils sont réengagés. Nous nous intéressons également aux répercussions engendrées par la perte de l’emploi sur la sociabilité et le bien-être subjectif des travailleurs concernés. Notre analyse se base sur les données d’une enquête que nous avons menée en 2011 auprès du personnel de cinq entreprises industrielles suisses qui avaient fermé leurs portes deux ans auparavant.
Nos analyses montrent des résultats fortement contrastés. D’un côté, la majeure partie des travailleurs ont vécu une transition professionnelle plutôt facile : plus des deux tiers des personnes ont retrouvé un travail et parmi elles plus de la moitié en moins de six mois. De l’autre côté, cependant, pour une petite partie de travailleurs la fermeture de leur entreprise a eu des conséquences très négatives sur leur carrière et leur bien-être. Au moment de notre enquête, presque vingt pourcent des travailleurs étaient au chômage. Les personnes au chômage et celles qui avaient quitté le marché du travail ont été particulièrement affectées par une diminution de leur bien-être subjectif.
Les plus vulnérables parmi les travailleurs licenciés étaient ceux qui étaient âgés de plus de 55 ans. Notre étude montre que les travailleurs âgés ont beaucoup moins fréquemment retrouvé un travail. Pour les personnes de plus de 55 ans qui ont tout de même retrouvé un emploi, la réinsertion a duré plus longtemps, les pertes de salaire étaient plus conséquentes et la diminution de la qualité de l’emploi plus grande que pour les autres cohortes. Au vu des changements démographiques actuels, ce résultat interpellant peut avoir des implications politiques importantes.