Matthieu Thomas

Genèse d’une loi antiraciste: sociologie d’une expérience politique suisse (1965-1995)

Matthieu Thomas est titulaire d’un master en sciences sociales de l’Université de Lausanne (UNIL). Il a été engagé comme assistant de recherche à la HEMU – Haute École de Musique en 2018, avant d’obtenir un subside Doc.CH du Fonds national suisse en 2020 (P0LAP1_195507, 2020-2024) pour réaliser une thèse de doctorat à l’UNIL, sous la codirection de Philippe Gonzalez (ISS, UNIL) et Baudouin Dupret (Sciences Po Bordeaux). Il a soutenu sa thèse le 30 avril 2025.

Sa thèse explore la genèse du droit antiraciste en Suisse, depuis ses origines à la fin des années 1960 jusqu’à l’adoption d’une norme pénale par votation populaire en 1994. Elle met en lumière le caractère tardif et restrictif de cette loi dans le paysage international. Alors que la plupart des démocraties européennes ont légiféré contre le racisme entre les années 1960 et 1980, étendant progressivement leur arsenal juridique pour lutter contre les discriminations, les crimes de haine ou pour protéger d’autres minorités, la Suisse adopte une norme ciblée, au crépuscule du 20e siècle, centrée exclusivement sur les discours de haine tenus en public — laissant de côté la question des discriminations ordinaires et institutionnelles.

S’inscrivant dans une sociologie des problèmes publics et adoptant une approche micro-historique, cette recherche s’appuie sur des archives fédérales et associatives, des discours publics et des entretiens avec des actrices et acteurs clés. Elle retrace la trajectoire du projet législatif depuis trois perspectives : l’État fédéral, les arènes publiques et les mobilisations collectives. L’analyse montre comment cette loi a d’abord été pensée comme une mesure de politique étrangère, mise en œuvre discrètement au sein des institutions. Ce n’est qu’à la fin des années 1980, face à la « montée du racisme », aux violences d’extrême droite et aux virulents débats sur les réfugié·es, qu’elle prend une dimension publique et identitaire. La campagne de votation de 1994 transforme alors ce projet de loi en un enjeu de définition de l’« identité suisse ».

En définitive, cette thèse éclaire une expérience politique marquante dans la Suisse de la fin du 20e siècle et analyse la fabrique d’un processus législatif à partir des activités des protagonistes qui le façonnent.