Far-Righting feminism ? Criminalising Street Harassment in France and Britain
Diplômée d’un Master en droit et administration publique obtenu à Sciences Po Strasbourg et d’un Master de sociologie mention « Genre, politique et sexualité » de l’EHESS de Paris, Charlène Calderaro a soutenu sa thèse doctorat le 22 novembre 2024 à l’Université de Lausanne, sous la direction de la Prof. Eléonore Lépinard (Institut des sciences sociales).
Comment les causes féministes sont-elles appropriées par l’extrême-droite ? A partir d’une comparaison des politiques publiques de pénalisation du harcèlement de rue en France et en Grande-Bretagne, cette thèse explore comment certains facteurs contextuels peuvent faciliter cette appropriation. L’analyse repose sur 84 entretiens avec des acteur·ice·s de politiques publiques et des militantes féministes impliqué·e·s dans le processus dans les deux pays, ainsi qu’avec des militant·e·s d’extrême-droite ayant approprié la cause en France. Elle s’appuie également sur une analyse critique de documents, une observation participante de six mois dans un collectif féministe britannique, et des observations numériques de groupes d’extrême-droite en France. Les résultats révèlent trois dynamiques. Premièrement, l’architecture institutionnelle des deux pays a conduit à une intégration contrastée des militantes féministes dans le développement de ces politiques. Alors que le fort féminisme d’État en France porte à l’exclusion des militantes féministe du processus législatif, la Grande-Bretagne, où l’institutionnalisation du féminisme dans l’État est moindre, voit la revendication de pénalisation portée par une ONG en partenariat avec un collectif féministe. Deuxièmement, ce rôle différencié des féministes, combiné aux différents répertoires raciaux et de genre, a fortement influencé les cadrages de la cause. En France, l’absence de perspective intersectionnelle et le déni du racisme a favorisé la racialisation du sexisme dans le cadrage du harcèlement de rue. Au Royaume-Uni, bien que marquée par une approche intersectionnelle, les logiques néolibérales de la campagne ont abouti à une dilution de la perspective féministe dans la loi adoptée. Troisièmement, ces cadrages contribuent à orienter les différentes évolutions de la cause : alors qu’elle s’inscrit dans la néolibéralisation du féminisme en Grande-Bretagne, elle est appropriée par des militant·e·s d’extrême droite en France. Ces résultats démontrent que la manière dont les causes féministes conflictuelles sont traduites en politiques publiques peut favoriser leur appropriation par l’extrême-droite et, ainsi, alimenter le fémonationalisme.
La thèse contribue à l’analyse des politiques publiques d’égalité de genre et à la sociologie des mouvements sociaux, en montrant que la façon dont les causes féministes conflictuelles sont traduites en politiques publiques peut favoriser leur appropriation par l’extrême-droite et, ainsi, alimenter le fémonationalisme.