Embodied Narratives. An Ethnographic Exploration of the Palestinian Translocal Contemporary Dance World
Ana Laura Rodriguez Quinones est titulaire d’un Master en sciences sociales, spécialisation en anthropologie, obtenu à l’Université de Neuchâtel. Elle a enrichi son parcours académique et professionnel à l’Université de Lausanne, où elle a travaillé au sein de la chaire de la Professeure Monika Salzbrunn en tant que collaboratrice de recherche, assistante doctorante et chargée de cours. Grâce à une bourse de mobilité, elle a également étudié à l’University College London, avant de poursuivre plusieurs missions d’enseignement et de recherche à l’Institut d’Ethnologie de l’Université de Neuchâtel. Sa thèse de doctorat, menée sous la direction de la Prof. Salzbrunn (Institut de sciences sociales des religions), a été soutenue le 9 décembre 2024.
La danse contemporaine émerge en Cisjordanie au tournant du millénaire, dans un contexte de désillusion envers le projet national, de conflits politiques internes et de connexions mondiales croissantes des Palestinien·nes. S’appuyant sur les réseaux préexistants de la danse Dabke et sur la présence étendue d’agences de collaboration culturelle, cette pratique prend rapidement de l’ampleur, favorisant la création d’une communauté de danse translocale centrée autour d’événements comme le Festival de danse contemporaine de Ramallah. Ces rencontres réunissent des artistes palestinien·nes venu·es de divers horizons, y compris celles·ceux résidant en Israël, ainsi que des artistes internationaux·ales souvent animé·es par la solidarité avec la Palestine. Cependant, dans un contexte marqué par l’occupation militaire, la menace perçue contre la culture nationale et l’influence omniprésente des agences de développement, les artistes palestinien·nes naviguent un réseau complexe de défis, incluant les attentes de contribution à la lutte nationale, ainsi que la lecture et le contrôle de leur art et de leurs corps par différentes structures de pouvoir.
Cette thèse explore comment la politique s’incarne et s’exprime à travers les pratiques artistiques des danseur·euses contemporain·es palestinien·nes. Basée sur une recherche ethnographique multi-située et numérique menée entre 2017 et 2021 auprès de danseur·euses en Cisjordanie, en Israël et en Europe, et s’inspirant de la théorie féministe critique, cette étude examine comment les expériences intimes et physiques de corps en mouvement façonnent la construction de subjectivités politiques et favorisent des sentiments incarnés d’appartenance nationale et transnationale en Palestine. Au cœur de cette analyse se trouve le concept de narrations incarnées, qui transcende le langage parlé pour offrir des perspectives sur les modes de vie à travers le corps, la présentation de soi et la création de liens significatifs avec autrui. Ces narrations mettent en lumière comment la danse contemporaine, à travers des mouvements contraints ou libérés, remet en question les normes sociales et les représentations imposées aux corps palestiniens. Elles abordent également les contradictions qui émergent lorsque les mouvements des danseur·euses sont politisés dans différents contextes et à diverses échelles. En soulignant l’intersection entre art et politique, cette thèse contribue à une compréhension élargie de l’incarnation, de la résistance et du rôle de l’art dans des contextes de lutte.