Faire nation en faisant de la gymnastique
La Société fédérale de gymnastique : laboratoire pour la nationalisation du “sport” dans la Suisse moderne 1853-1914
Gil Mayencourt est actuellement assistant-diplômé à l’Institut des sciences du sport de l’Université de Lausanne (ISSUL). Après des études à l’ISSUL et en lettres (français moderne), ainsi qu’un passage par la Haute-école pédagogique de Lausanne (HEPL), il a été doctorant FNS sur le projet “La Fabrique des sports nationaux (1860-1930)”, conduit entre 2019 et 2023 sous la direction de Grégory Quin, Maître d’enseignement et de recherche à l’ISSUL.
Depuis quand le sport est-il envisagé comme le relais privilégié de certains processus permettant à la Suisse de “faire nation” ? Quelles dynamiques historiques renforcent, dans les esprits comme dans les institutions, l’idée qu’il existe un « sport national helvétique » dont le statut flotte aujourd’hui entre expression figée du langage commun et symbole traditionnel souvent récupéré par la doctrine identitaire ? Pour tenter d’apporter des réponses à ces questions, cette thèse propose de revenir sur les premiers pas de l’État fédéral helvétique de 1848, ceci à travers un objet d’étude spécifique : la gymnastique associative telle qu’elle se développe dans la Suisse moderne sous l’égide de la Société fédérale de gymnastique (SFG) fondée en 1833. Sur une période allant du milieu du XIXe siècle au début de la Première Guerre mondiale, il s’agit plus spécifiquement de montrer comment la SFG, sous l’impulsion de ses dirigeants, devient un groupe d’intérêt gymnique en acquérant un véritable statut paraétatique, ceci tout en fabriquant le mythe d’une gymnastique “typiquement suisse” aux échos de plus en plus conservateurs et en composant avec le territoire fracturé du jeune État fédéral. À la croisée de l’histoire culturelle et de l’histoire sociale des institutions et du politique, cette thèse réfléchit sur plusieurs échelles : du national – son principal référentiel – à l’Europe et à la côte est des États-Unis, en passant par des études de cas cantonaux et locaux. L’analyse est bâtie sur les archives institutionnelles de la SFG et sur des fonds conservés aux Archives fédérales et à la Bibliothèque nationale suisses. Ce corpus principal a été complété par des recherches dans divers centres d’archives cantonaux, communaux et privés, ainsi qu’au Centre d’études olympiques et au siège de la Fédération française de gymnastique basés respectivement à Lausanne et Paris.