Programmer, « se faire » programmer. Enquête sur les coulisses de consécrations dans les arts vivants contemporains lémaniques
Carole Christe est titulaire d’un bachelor en sciences sociales de l’Université de Lausanne et d’un master en études genre de l’Université de Genève. Son mémoire de maîtrise porte sur les socialisations genrées dans l’apprentissage de la danse contemporaine, pour lequel elle a réalisé une ethnographie. Cette immersion dans le milieu artistique et culturel s’est poursuivie pour sa thèse qui porte sur les enjeux de programmation et de consécration.
Cette thèse interroge le lien entre le processus de consécration des artistes et celui de la programmation des arts vivants contemporains sur l’arc lémanique. Afin de se pencher sur la façon dont une telle programmation se construit, ce travail se base sur une enquête de terrain qui étudie deux groupes professionnels : les artistes et les programmatrice·eurs. Tout d’abord, l’analyse de leurs parcours révèle la socialisation au registre vocationnel et l’existence d’étapes qui jalonnent les trajectoires professionnelles respectives. Le manuscrit s’intéresse ensuite aux relations développées entre les deux groupes et au sein de ceux-ci, les rapportant aux conditions et modalités d’exercice de leur travail respectif. Le système de financement « par projet » artistique a pour conséquence le fait que les pouvoirs détenus par les programmatrice·eurs sur les artistes déterminent en grande partie les possibilités matérielles d’existence de ces dernières·ers. Il est aussi montré que cet entre-soi est régulé par une forte importance accordée aux affinités comme régissant les rapports de travail. C’est pourquoi cette recherche identifie également les styles de vie de ces deux groupes, aux valeurs et goûts relativement homogènes. La thèse montre qu’une importante partie des spectacles est composée d’éléments propres à ces styles de vie. Elle témoigne d’une programmation contemporaine lémanique qui se caractérise par des catégories esthétiques qui prétendent à l’innovation. Par son approche dispositionnaliste et interactionniste, cette recherche est une contribution à la sociologie du travail artistique et culturel, en analysant la façon dont sont maintenues des inégalités sociales dans une fraction de classe à haut capital culturel.