Du souci de soi au souci des autres : la fabrique morale des enfants, des adolescents et de leurs parents au fil de parcours de soins pédopsychiatriques au Maroc
Titulaire d’un Master en étude du développement (IHEID, Genève), Julie Pluies a été engagée comme assistante diplômée au sein de l’Institut des sciences sociales où elle a mené sa thèse sur le vécu de la maladie chez des enfants et adolescents suivis en pédopsychiatrie. Elle a été chercheuse invitée au Department of Childhood Studies (Rutgers University, USA) à la suite de l’obtention d’une bourse mobilité doctorale du FNS. Ses recherches recourent tant aux entretiens qu’à l’ethnographie, avec une attention particulière aux corps dans l’espace et les gestes du quotidien. Soucieuse des rapports de pouvoir entre enquêteurs (adultes) et enquêtés (enfants), elle place la réflexivité et le consentement en pratique au cœur de son travail. Elle a soutenu sa thèse le 6 septembre 2022 sous la direction du Prof. Mark Goodale (UNIL) et sous la co-direction de Sarra Mougel (Université de Paris).
Cette recherche a été conduite dans l’un des rares services publics de pédopsychiatrie situé en contexte urbain au Maroc ainsi qu’au domicile des enfants et adolescents rencontrés dans ce lieu. Tous les soins pratiqués sont inspirés des thérapies cognitivo-comportementales et l’objectif des (psycho)thérapies ((ré)éducatives) consiste à modifier les comportements des enfants et adolescents, faisant disparaitre la psyché des références théoriques de l’équipe au profit d’une lecture s’appuyant sur le cerveau et la cognition. Son travail vise à appréhender ce que font les enfants en thérapies et ce que les thérapies font aux enfants afin de comprendre cet espace de fabrique contemporaine de l’enfance et de l’adolescence troublée. Examinant la place et le rôle des enfants, des adolescents et de leurs parents dans les thérapies proposées (sans me concentrer sur une pathologie en particulier), l’auteur étend son analyse à la vie quotidienne des familles et aux vécus enfantins et adolescents à leur domicile afin de documenter les changements initiés à la suite du travail thérapeutique. De ces observations surgit le souci de soi, de la thérapie, de l’autre et du contexte que les jeunes patients manifestent au travers du travail thérapeutique accompli. S’intéressant à la manière d’être-au-monde de ces enfants et adolescents, tout en intégrant à son raisonnement leurs interactions avec les parents et les professionnels les entourant, elle défend que les thérapies favorisent l’émergence d’une compétence morale chez les enfants et les adolescents (par un processus de circularité entre l’hôpital et la maison), ce qui, d’une part, leur permet de modifier les pratiques éducatives parentales et, d’autre part, leur donne la possibilité de réaliser une activité de care à l’égard de leur parents. Elle montre ainsi que les enfants et adolescents ne sont pas seulement des bénéficiaires de care mais qu’ils sont aussi, selon des moments et avec des intensités variées, des pourvoyeurs de care.