Le nouvel esprit du tirage au sort. Principes démocratiques et représentation politique des mini-publics délibératifs
Dimitri Courant est titulaire d’un Master en science politique de Sciences Po Rennes et d’un Master en sciences sociales de l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales. Il a été assistant diplômé à l’Institut d’études politiques (IEP) et a réalisé une thèse en science politique en cotutelle entre l’Université de Lausanne et l’Université Paris 8, qu’il a soutenue le 30 juin 2022 sous la co-direction du Prof. Jean-Philippe Leresche (IEP) et Prof. Yves Sintomer (Université de Paris 8). Il a également été chercheur invité à Harvard University pendant un an (2021-2022) et est actuellement chercheur postdoctoral à Princeton University. Ses travaux portent sur la délibération, la représentation politique, la démocratie et les usages du tirage au sort au XXIe siècle.
Le retour du tirage au sort en politique est désormais un phénomène social mondial, alimenté par de nombreux travaux académiques, revendications militantes et expérimentations démocratiques. Les mini-publics délibératifs regroupent des citoyens tirés au sort qui auditionnent des experts et débattent pour faire des recommandations de politiques publiques. Pourquoi le tirage au sort est-il mis en avant à la fois par des élites modérées pro-élection et par des activistes souhaitant une démocratie radicale ? Quelle dynamique politique les usages contemporains du tirage au sort favorisent-ils, un renforcement oligarchique ou bien démocratique ?
Cette thèse réalise une analyse comparative basée sur des enquêtes qualitatives portant sur : les assemblées citoyennes irlandaises (Irlande), la Convention Citoyenne pour le Climat, le Grand Débat National, et le groupe citoyen du CESE (France). Quatre axes sont étudiés : la genèse des mini-publics, leurs fonctionnements, leurs effets et légitimités, ainsi que leurs institutionnalisations. Un nouvel esprit du tirage au sort reposant sur la « légitimité-humilité » pourrait expliquer les soutiens paradoxaux dont la sortition bénéficie. Les critiques de l’élection soutiennent le tirage au sort car la légitimité-humilité peut contribuer à la non-domination des représentés. Cependant, les partisans du gouvernement représentatif voient dans la légitimité faible des mini-publics consultatifs le moyen d’intégrer la critique sans menacer les fondements du système élitiste. Toutefois, la légitimité-humilité est potentiellement menacée par une revendication klérocratique affirmant la souveraineté de l’assemblée tirée au sort.
The return of sortition to politics is now a global social phenomenon, fueled by numerous academic studies, activist claims and democratic experiments. Deliberative mini-publics bring together randomly selected citizens to hear experts and debate to make public policy recommendations. Why is sortition being promoted by both moderate pro-election elites and activists seeking radical democracy? What political dynamics do contemporary uses of the civic lottery promote, oligarchic or democratic reinforcement? This thesis conducts a comparative analysis based on qualitative fieldwork case studies of: the Irish Citizens’ Assemblies (Ireland), the Citizen Convention for Climate, the Great National Debate, and the CESE’s citizen group (France). Four axes are studied: the genesis of the mini-publics, their operation, their effects and legitimacies, and their institutionalizations. A new spirit of sortition based on “humility-legitimacy” might explain in part the paradoxical support that drawing lots enjoys. Critics of election support sortition because humility-legitimacy can contribute to the non-domination of the represented. However, proponents of representative government see the weak legitimacy of consultative mini-publics as a way to incorporate criticism without threatening the foundations of the elitist system. However, humility-legitimacy is potentially threatened by a klerocratic claim to the sovereignty of the randomly selected assembly.