Le Sort ou la Raison. Persistance et disparition du tirage au sort en Suisse (1798-1831)
Doctorant dans le cadre du projet Fonds national suisse de la recherche intitulé « Expériences de tirage au sort en Suisse », après un Bachelor ès Lettres à l’Université de Lausanne et un Master en Public Management and Policy à l’Université de Berne, les recherches de Maxime Mellina se situent entre la théorie politique (notamment sur les questions de démocratie, de représentation et de délibération) et l’analyse socio-historique des dispositifs du tirage au sort. Il a soutenu sa thèse, réalisée sous la direction de la Prof. Biancamaria Fontana, le 26 mai 2021.
Après plus de deux cents ans d’absence, le tirage au sort suscite aujourd’hui un nouvel intérêt dans un nombre croissant de recherches académiques, mais aussi au sein de groupes de militantes et militants souhaitant réformer les démocraties représentatives occidentales. Au sein du grand public et des médias, cette idée est souvent considérée comme farfelue. En effet, l’histoire politique connaît une étrange disparition à la charnière des 18e et 19e siècles. Un long processus n’a laissé qu’une procédure reconnue : l’élection. Le tirage au sort a été balayé par l’évidence de nouvelles institutions, alors qu’il était une méthode traditionnelle de sélection des responsables politiques pendant plusieurs siècles. Par quel processus d’amnésie une procédure peut-elle tomber dans un tel oubli ?
Cette thèse exhume les expériences suisses du tirage au sort, jusqu’ici inconnues. Celles-ci sont variées et tardives et représentent un terrain propice pour tenter de comprendre cette disparition. Si le sort est aujourd’hui associé à une pratique démocratique, il est en fait une technique historiquement très liée aux républiques aristocratiques où il était utilisé pour son impartialité dans des procédures complexes, le mêlant constamment à l’élection et à des restrictions de la citoyenneté. Les fondateurs des gouvernements modernes auraient très bien pu continuer de l’utiliser en complément à l’élection.
Pourtant, les révolutions modernes couronnent la philosophie du rationalisme, inspirée des Lumières, qui s’oppose à tout ce qui est invisible, incontrôlable et irrationnel. L’apparition de ces nouvelles idées permet de comprendre les fondements idéels des nouvelles institutions libérales-républicaines qui s’imposent à ce moment et avec lesquels le tirage au sort n’est plus compatible. Cette thèse, fondée sur l’examen de sources primaires, apporte ainsi de nouveaux éléments à l’énigme de la disparition du tirage au sort et, par effet miroir, à l’analyse de sa réapparition dans nos systèmes contemporains toujours marqués par ces imaginaires.