Professeure ordinaire à l’Institut des sciences sociales, Laura Bernardi préside, depuis janvier 2021, la Division I du Conseil national de la recherche du Fonds National Suisse (FNS). Coup de projecteur sur son expérience au sein des organes d’évaluation et d’expertise scientifique.
Vous bénéficiez d’une solide expérience au sein des organes d’évaluation de la recherche. Qu’est-ce qui vous a poussé sur cette voie, riche de défis mais aussi lourde en responsabilités?
Mon intérêt pour ce rôle a mûri durant mon expérience très positive au sein du FNS de ces trois dernières années, d’abord comme membre de la commission Ambizione, puis comme membre du Conseil de la recherche dès 2018 et, en 2020, de sa commission interdisciplinaire. En exerçant mes fonctions au sein du FNS, j’ai eu l’occasion d’apprécier les échanges sur les enjeux liés à la politique scientifique nationale en général et à leur signification pour les SHS en particulier. L’ambiance de travail qui règne au FNS est stimulante, grâce à l’engagement des collègues et au professionnalisme de toute l’équipe scientifique et administrative. Je suis convaincue que contribuer à créer les conditions cadres pour la recherche fasse partie de la carrière d’un chercheur ou d’une chercheuse. Qui pourrait mieux en comprendre les enjeux ?
Dans votre nouveau rôle, quelle vision souhaitez-vous promouvoir au FNS sur le plan de la politique de la recherche dans le domaines des SHS?
Concernant la politique de la recherche, les défis qui retiennent mon attention sont multiples: la multidimensionalité des définitions des critères de qualité et d’innovation dans la recherche en général et dans les SHS en particulier ; la promotion de l’interdisciplinarité ; la production, l’archivage, l’exploitation efficace et la protection des données.
S’agissant plus particulièrement de la division des SHS et de son positionnement, il me semble essentiel de mettre en lumière la pertinence et l’utilité sociales de ces disciplines au moyen de critères qui leur sont propres, et ceci en dialogue plutôt qu’en opposition avec celles et ceux qui appartiennent à d’autres domaines scientifiques. Ma discipline étant la démographie, un champ interdisciplinaire par excellence se situant entre les statistiques, les sciences de la vie et les sciences sociales, je sais bien que cette conciliation demande de l’effort, mais aussi qu’elle est porteuse de connaissances qui ne seraient que partielles si cet effort était négligé.
Plus récemment, la crise sanitaire actuelle me semble aussi montrer l’importance de mener une réflexion sur la capacitédu FNS à réagir rapidement aux urgences sociétales avec des mesures de financements ciblés et une coordination d’expert·e·s, qui soit à la fois inclusive et efficace, au service des instances décisionnelles.
Un deuxième défi est le maintien de l’interaction dynamique et collaborative qui règne actuellement entre les SHS, au travers d’une réflexion constante visant à réduire la distance épistémologique par le partage des pratiques et des principes de qualité scientifique.
Comment envisagez-vous de faire face à ce deuxième défi?
Ma formation antérieure en philosophie et histoire, suivie de ma « vie » en sciences sociales, est un atout face à la nécessité de concilier des perspectives différentes. Ma place comme membre du Comité de l’ASSH va dans la même direction et, d’ailleurs, cette position m’a permis de relever la synergie potentielle entre le rôle de l’Académie et du FNS, les deux institutions s’adressant à la même communauté scientifique. Une telle synergie, très souhaitable, attend encore, il me semble, d’être pleinement réalisée.
Et quelle vision souhaitez-vous promouvoir au FNS sur le plan de la politique des carrières académiques dans le domaine des SHS?
Concernant les carrières scientifiques ainsi que leur profilage et leur diversité, différentes mesures ont été et sont en train d’être adoptées pour mettre en œuvre les recommandations de la déclaration DORA. En premier lieu, il y a la formation des membres des différents panels d’évaluation aux principes défendus par la déclaration. Le FNS adopte les recommandations DORA en ne basant plus les évaluations sur le facteur d’impact des revues, mais en prenant en compte les résultats substantiels de recherche, y compris les collaborations de recherche, la communication avec le public, ou encore les données de recherche produites. J’espère que les conséquences de cette manière d’évaluer la valeur de la recherche et les carrières, qui laisse plus de place à l’expression de la diversité de la production scientifique et à la définition de sa valeur, seront importantes pour toutes les sciences, et non seulement pour les SHS.
Dans la période de crise que nous vivons, quelle est, de votre point de vue, la contribution des recherches en sciences sociales et humaines?
Comme pour toutes périodes de crise, souvent caractérisées par des changements accélérés et des incertitudes concernant leur direction, nous avons besoin des compétences analytiques et spécifiques des SHS.
Par quels moyens le FNS va-t-il favoriser les recherches en SHS sur la pandémie de la Covid-19?
Le FNS vient d’annoncer un financement de 14 millions de francs, reçu par le SERI, pour le programme national de recherche 80 (PNR 80) « Covid 19 et société », dont les axes principaux sont: “Responsabilité personnelle et sécurité”, ” Bien-être individuel et collectif”, ” Gestion des crises et changement durable”. L’appel à projet est prévu pour le début de cet automne.