La Bourse et la Ville : Une histoire du modèle constitutionnel bourgeois en France, du Moyen-Âge central à la Révolution
Henri-Pierre Mottironi a obtenu un Master en Science politique à l’Université de Genève en 2013. Depuis septembre 2015, il a été assistant d’enseignement aux cours et séminaires d’histoire des idées politiques et de philosophie politique à l’Université de Lausanne. Il a soutenu sa thèse de doctorat le 9 octobre 2020, dans le cadre d’une cotutelle internationale entre l’Université de Lausanne et Sciences Po. Paris sous la direction des professeures Biancamaria Fontana (Université de Lausanne) et Annabelle Lever (Sciences Po Paris).
Cette recherche doctorale s’interroge sur les influences de la gouvernance d’entreprise et le droit des affaires sur l’émergence de la démocratie représentative et du constitutionnalisme moderne. Alors que de nombreux textes fondamentaux en philosophie politique comparent les citoyens à des actionnaires, les élus à des « trustees » du peuple ou le parlement à un conseil d’administration, la littérature scientifique n’a que peu exploré le rapport entre l’émergence du gouvernement représentatif et la gouvernance d’entreprise moderne.
Dans une première partie, cette thèse s’attache à montrer que la gouvernance des sociétés commerciales et financières est l’un des avatars modernes du « modèle constitutionnel bourgeois », modèle qui naît dans les communes et bourgs médiévaux aux 11e-13e siècles et se diffuse largement en Europe et dans ses colonies. Dès la fin du 17e siècle, le droit commercial participa à la propagation des idées et pratiques du modèle constitutionnel bourgeois, et tendit même à dépeindre les compagnies commerciales et financières comme de petites républiques. Si bien qu’au 18e siècle, les compagnies par actions sont érigées par certains penseurs en modèle de gouvernement sur lequel on pourrait calquer les institutions politiques d’un État.
Dans une seconde partie, cette recherche soutient que la pensée constitutionnelle révolutionnaire française de 1791 à 1795 reprend de nombreux traits de la gouvernance d’entreprise de la fin du 18e siècle à travers l’étude de quatre courants de pensée majeurs qui ont contribué au débat constitutionnel en France à la Révolution, à savoir :
- (1) la pensée politique britannique anti-absolutiste du début du 18e siècle et sa conception de gouvernement en trust,
- (2) les projets d’assemblées provinciales des physiocrates,
- (3) les écrits révolutionnaires d’Emmanuel Sieyès,
- (4) et, enfin, un courant radical, incarné par Thomas Paine et Condorcet, qui rejette l’idée de fonder une société politique sur un modèle emprunté aux sociétés financières et commerciales, tout en adaptant implicitement ce même modèle constitutionnel bourgeois.