« Comment WikiLeaks est devenu Julian Assange. Analyse du parcours énonciatif d’une figure médiatique »
Titulaire d’un master en Sciences sociales de l’Université de Lausanne, Léonore Cabin rejoint, en 2013, en tant qu’assistante de recherche le projet FNS « À l’épreuve du scandale. Figures de la singularité et régimes de visibilité dans l’espace public contemporain », avant d’occuper, dès 2016, un poste d’assistante diplômée au sein de l’Institut des sciences sociales de l’UNIL. Parallèlement à ses tâches d’assistanat, elle réalise une thèse de doctorat en sociologie sous la direction de la Prof. Laurence Kaufmann, qu’elle soutient le 10 septembre 2020. Elle est actuellement chargée Ra&D à la Haute École de Santé Vaud (HESAV). À la croisée de la sociologie des médias et de la communication, de la socio-sémiotique et de la philosophie politique, ses intérêts de recherche portent notamment sur le rôle de la presse dans le fonctionnement et la régulation de l’espace public, ainsi que sur la constitution des collectifs et les enjeux politiques de leur représentation médiatique.
Cette recherche retrace le parcours médiatique de Julian Assange et de WikiLeaks, de leur co-naissance publique sur le site Internet de WikiLeaks en 2007 à leur reconnaissance internationale dans la presse en 2010. Ce faisant, elle vise à explorer la façon dont un projet qui se donnait initialement comme collectif et participatif s’est vu redéfinir publiquement – par une série de procédés discursifs et figuratifs imputables tant à Assange qu’à certains journaux – comme l’œuvre de son seul « fondateur ». Plus généralement, elle interroge deux phénomènes importants pour la sociologie des médias et de la communication : la représentation médiatique des collectifs hybrides ; les fonctions interpellative et figurative de la presse.
Composée de cinq parties thématiques, la thèse s’ouvre sur une réflexion épistémologique portant sur les concepts d’enquête et de sens commun, avant de présenter les divers outils méthodologiques ayant servi l’analyse socio-sémiotique du cas étudié. Inaugurant l’axe empirique de ce travail, la seconde partie analyse l’ontologie plurielle de WikiLeaks. Elle suit l’évolution du discours public et des fonctionnalités du site Internet de WikiLeaks, ainsi que la visibilité dont y jouit Julian Assange. Aussi, elle montre la progression d’une plateforme participative horizontale vers un modèle organisationnel plus structuré et hiérarchique.
La troisième partie porte sur la « représentation médiatique » de WikiLeaks dans la presse suisse (Le Temps) et américaine (New York Times). Elle examine les facteurs pratiques et discursifs ayant empêché la ressaisie de WikiLeaks en tant que collectif d’action et provoqué sa réduction ontologique à un site Internet personnifié par son « fondateur ». La quatrième partie revient sur la mise en intrigue et en récit, par ces mêmes journaux, des allégations de viol et d’agression sexuelle portées par deux femmes suédoises à l’endroit de Julian Assange en août 2010. Plus précisément, elle montre comment ces allégations ont été réindexées sur la controverse politico-juridique américaine autour de WikiLeaks.
Enfin, la dernière partie explore la thématique de la figuration publique en décrivant la transformation progressive d’un être parlant (je) en un être dont on parle (il) auquel est attribuée une série de traits de personnalité. La thèse s’achève sur un point normatif visant à distinguer le principe de transparence tel qu’il est conçu et défendu par WikiLeaks du principe de publicité qui devrait régir, selon l’auteure, les pratiques journalistiques.