Co-construction de la santé dans la prise en charge sanitaire destinée aux requérant·e·s d’asile. Analyse de deux dispositifs en Suisse romande
Après un Master en psychologie et une expérience professionnelle dans l’aide juridique aux exilé·e·s, Mauranne Laurent a débuté un doctorat à l’Institut de Psychologie (IP). Elle y a exploré la thématique de la santé et de l’asile, en s’intéressant plus particulièrement à la première prise en charge sanitaire destinée aux requérant·e·s d’asile en Suisse romande. Elle a mené un terrain de recherche sensible de plusieurs mois dans différents lieux d’accueil de cette population en situation de précarité. Sous la direction de la Prof. Marie Santiago-Delefosse, Mauranne Laurent a soutenu sa thèse en février 2020.
En Suisse, différents dispositifs sont mis en œuvre pour prendre en charge la santé des requérant·e·s d’asile. Comme dans la plupart des dispositifs sanitaires, c’est autour d’un objectif commun – la santé – subjectif, dépendant du contexte, non défini, voire parfois impensé, que soignant·e et requérant·e d’asile tentent de s’accorder. Par une approche novatrice, cette thèse interroge la co-construction de la santé dans la première prise en charge sanitaire cantonale destinée aux requérant·e·s d’asile. L’objectif est de mettre en lumière les consensus, les écarts et les tensions à l’œuvre dans ce processus de co-construction, en vue de comprendre quels sont les éléments qui favorisent, ou qui ne favorisent pas, une rencontre entre les différents acteurs. Pour répondre à cet objectif, un dispositif pluriméthodologique a été déployé, fondé sur 33 observations de consultations sanitaires et 26 entretiens semi-structurés avec des requérant·e·s d’asile, des infirmier·e·s et des interprètes communautaires. Une analyse thématique des données a été mise en œuvre.
Les résultats des entretiens montrent plusieurs consensus entre les trois groupes d’acteurs quant à la santé des requérant·e·s d’asile, comme la forte influence du contexte de vie en Suisse sur la santé mentale (procédure d’asile, conditions de logement, manque d’occupation et de soutien social). Pourtant, au sein des observations de consultations, le processus de co-construction prend forme au sein de tensions, à la fois internes aux individus, mais aussi intersubjectives et contextuelles. Il dépend de facteurs juridiques et politiques, des cadres institutionnels et cliniques, de composantes intersubjectives et individuelles, qui s’influencent mutuellement et perpétuellement.
A l’aune de ces résultats, on observe que la forme que prennent les consultations sanitaires s’éloigne sous certains aspects des besoins et du vécu des requérant·e·s d’asile. Par l’analyse de ce processus de co-construction, la présente recherche a permis d’identifier les facteurs favorisant et entravant une rencontre, au sein de laquelle le sens de la santé peut être partagé.
A partir des propos des différent·e·s participant·e·s, cette recherche ouvre sur des perspectives politiques et sociétales, cliniques et de recherche qui pourraient permettre une prise en charge sanitaire plus adaptée aux besoins des requérant·e·s d’asile.