Les enfants du militantisme. Transmission intergénérationnelle des dispositions politiques en contexte autoritaire (Maroc, des années 1970 à nos jours)
Joseph Hivert est titulaire d’un Master en coopération internationale et développement de l’Institut d’études politiques de Bordeaux. Il a commencé sa thèse en 2012 au bénéfice d’une bourse de mobilité du Fonds national suisse pour la recherche, qui lui a permis de rester au Maroc plusieurs années pour réaliser son terrain. Dans ses recherches, il s’intéresse à la socialisation politique et à la transmission intergénérationnelle du militantisme. Il est enseignant-chercheur à l’Université de Mulhouse depuis 2016 et a soutenu sa thèse le 21 février 2020 sous la direction d’Olivier Fillieule (IEP) et celle de Frédéric Vairel (Université d’Ottawa).
Le Maroc a connu dans les années 1960 et 1970 un intense mouvement de contestation du régime. De nombreux militants s’engagent alors dans des organisations d’extrême gauche, au risque souvent de l’emprisonnement. Qu’est-ce que ces militants ont-ils transmis ou voulu transmettre à leurs enfants ? Cette thèse pose le regard sur ces enfants du militantisme, en interrogeant la transmission intergénérationnelle des dispositions à l’engagement politique. En s’appuyant sur une méthode originale, qui consiste à réaliser des entretiens appariés (parents/enfants), l’enquête ouvre trois scènes d’investigation. La première consiste à ouvrir la boîte noire des socialisations politiques enfantines, appréhendée à partir d’une conception élargie de la socialisation politique et en prêtant une attention particulière à ses variations selon l’âge, le sexe et l’appartenance de classe des enfants. Sur une deuxième scène, cette recherche s’attache à analyser ce que produisent ces matrices de socialisation, en termes de dispositions, de manières de penser, de voir et d’agir, dans divers contextes d’action (militant, scolaire, familial). Elle s’intéresse à la façon dont les enquêtés s’approprient, négocient voire transforment leurs « héritages militants » en fonction de leurs trajectoires biographiques et de leurs expériences d’engagement. Enfin, une troisième scène d’investigation s’est ouverte tandis que se déroulait l’enquête, avec l’émergence du Mouvement du « 20 février » (M20), la déclinaison marocaine des « printemps arabes ». Certains des parents et des enfants suivis se sont engagés dans ce mouvement, faisant apparaître une interrogation sur les manières différenciées de s’investir dans une mobilisation, en fonction des dispositions acquises antérieurement. L’observation ethnographique de l’engagement multiforme des enquêtés permet de comprendre comment ce mouvement protestataire plonge ses racines dans les mobilisations antérieures et les parcours politiques individuels depuis trente ans. Articulant analyse du temps long et du temps court, attentive aux explications structurales et aux variations individuelles, cette thèse donne à voir les formes prises par les socialisations politiques au sein des familles de militants.