Déjà lauréate du Ford Foundation Grant pour les études de troisième cycle en Suisse (2001), du Prix de la CUSO 2009 sur les thèmes des Migrations, du Prix de la Faculté des SSP pour sa thèse de Doctorat, Angèle Flora Mendy est aujourd’hui lauréate de la Bourse SAV 2020. Cette distinction financera son séjour à l’Université d’Harvard dans le cadre du très prestigieux et sélectif Takemi Program in International Health. Toutes nos félicitations!
Pourriez-vous décrire brièvement votre parcours de chercheuse?
Après l’obtention d’une Maîtrise et d’un Diplôme d’Etudes Approfondies (DEA) respectivement en sociologie des Organisations et de la santé à l’Université de Saint-Louis au Sénégal, j’ai fait un DESS en Globalisation et régulation sociale (diplôme conjoint UNIL/UNIGE), ce qui m’a permis d’entrer aux Nations Unies à Genève pour un stage au sein du Département Trade and Public health de l’OMS et à la CNUCED. A l’issue de cette formation spécialisée, j’ai soutenu un travail de recherche sur la mondialisation et le commerce des services de santé ainsi que leurs impacts sur les systèmes de santé des pays en développement. C’est précisément un des résultats significatifs de ce travail qui a fait l’objet de ma Thèse de Doctorat en sciences sociales. Celle-ci a porté sur les migrations des médecins africains ainsi que leur accueil dans les pays de destination. Ensuite j’ai rejoint l’International Migration Institute (IMI) de l’Université d’Oxford pour étudier de manière spécifique les carrières des infirmières africaines au sein du National Health System (NHS).
Mon parcours de chercheure s’est donc construit autour des thèmes des mobilités et des migrations des professionnels de santé, de la santé publique internationale « Global health » et du fonctionnement des systèmes de santé. C’est justement dans ces domaines de recherche que j’ai obtenu plusieurs distinctions et prix en tant que chercheuse.
Dans votre parcours de chercheuse, que représente votre participation au prestigieux Takemi program for International Health à l’Université de Harvard?
J’ai toujours été fascinée par la capacité des équipes de chercheur·e·s de partir d’une simple idée pour en produire des projets de recherche d’envergure internationale. Quand j’ai rejoint l’IMI de Oxford, j’ai eu l’opportunité de travailler dans cet environnement. A la sortie d’une telle expérience, la recherche devient une passion. C’est précisément ce qui s’est passé avec le Takemi Program in International Health. C’est un programme très prestigieux et sélectif qui demande une compétence avérée dans son domaine ainsi qu’une parfaite maîtrise de son sujet. Dans ce cadre, quand mon dossier a été retenu pour une formation certifiante de vingt jours à Harvard sur comment réformer les systèmes de santé et améliorer la qualité des services de soins, j’ai pu entièrement compter sur le soutien de l’ISS. Cette expérience m’a mise dans l’esprit de compétition pour le Takemi Program in International Health.
Je dois cette distinction à la Direction actuelle de l’ISS, à la Faculté ainsi qu’à la Commission de la recherche à travers Madame Ruffa. C’est un travail de longue haleine qui finit par porter ses fruits. Je remercie aussi les Directeurs·trices de l’ISS qui se sont succédé·e·s et qui m’ont donné les moyens pour mener à bien mes recherches.
En deux mots, quel est le projet de recherche que vous développerez dans ce cadre?
Dans le cadre du Takemi Program in International Health, je vais étudier les mobilités des professionnels de santé dans un système de santé précaire et défaillant. Prenant précisément le cas de la Gambie, j’analyserai les dynamiques de mobilités sur le fonctionnement du système et sur l’offre des soins aux populations.
Quelles sont vos attentes au niveau scientifique?
La recherche que je vais mener à l’université de Harvard est pionnière dans le domaine de l’étude des systèmes de santé défaillants et précaires. Les résultats devront permettre de mieux saisir d’une part, les facteurs qui motivent les différentes formes de mobilités internes des professionnels de santé et d’autre part, les impacts de celles-ci sur le fonctionnement du système de santé et la fourniture des soins aux populations. Ils faciliteront la formulation de politiques publiques efficaces qui tiennent compte des facteurs et des informations pertinents. A l’avenir, c’est certainement une recherche qui devra inspirer d’autres études de cas présentant des caractéristiques socio-sanitaires similaires.
Quelles difficultés éprouvez-vous dans le travail de recherche ?
Comme tout travail de production intellectuelle, de bonnes dispositions pour faire de la recherche sont nécessaires. Je situe mes difficultés à deux niveaux. Premièrement, la collecte rigoureuse de données empiriques appelées à être analysées et interprétées peut être un important défi surtout quand la plupart des terrains de recherche sont à l’étranger. Deuxièmement, les difficultés que je rencontre dans mon travail de recherche pourraient se résumer en une phrase : la conciliation des responsabilités familiales avec une aspiration à une carrière de haut niveau dans le domaine de la recherche. Il faut une sacrée organisation et une motivation hors norme pour aller de l’avant.
Quels sont les talents cachés qui vous aident à surmonter ces difficultés ?
Je suis très persévérante.
Qui serez-vous dans 10 ans ?
Peut-être que dans 10 ans, je serais en train de mettre en œuvre ou de proposer des solutions pratiques qui permettent justement aux systèmes et aux professionnels de santé de mieux faire face aux nombreux défis planétaires liés aux pandémies. D’ailleurs, l’un des objectifs du Takemi Program est de donner l’opportunité aux Fellows de devenir des leaders mondiaux en santé publique internationale.
Je fais donc mien le slogan « Powerful ideas for a healthier world » (Slogan de Harvard T.H. Chan School of Public Health).