Joël Billieux est professeur associé de psychologie clinique, psychopathologie et évaluation psychologique à l’Institut de Psychologie de l’UNIL. Auparavant, il a exercé comme professeur de psychologie à l’Université catholique de Louvain en Belgique (2011-2017) et à l’Université du Luxembourg (2017-2020).
Quel est le parcours qui vous a amené à devenir chercheur ?
Clairement une rencontre ! La rencontre avec un enseignant devenu un mentor, qui pensait la psychopathologie d’une manière résolument novatrice et humaniste, à contre-courant. Il s’agit de Martial Van der Linden, qui m’a donné la chance de rejoindre son équipe pour réaliser une thèse de doctorat, en parallèle à ma formation de thérapie cognitive et comportementale, et c’est ainsi que tout a commencé.
Votre domaine de recherche en une phrase ?
Mon principal champ de recherche concerne l’étude des facteurs psychologiques (cognitifs, affectifs, motivationnels) impliqués dans le développement et le maintien des conduites addictives.
Pourquoi ce domaine ?
Pour être complétement honnête, le focus initial de mon travail de thèse ne découlait pas à 100% d’un choix personnel, mais de l’intérêt de mon mentor pour le concept d’impulsivité. Je me suis ainsi retrouvé à réaliser une thèse sur les mécanismes neurocognitifs sous-tendant les conduites impulsives. Dans un tel contexte, j’ai réussi à m’approprier mon travail de thèse en décidant d’étudier l’impulsivité à travers des conduites auxquelles j’accordais un intérêt tout particulier, et plus particulièrement l’utilisation excessive des technologies de l’information et de la communication (TICs) ou des jeux vidéo en ligne. Ce choix fut central dans ma carrière car il me permit d’être parmi les premiers à publier des travaux de recherche sur des domaines comme l’utilisation addictive du téléphone portable, et d’ainsi me positionner avec une expertise spécifique dans un champ de recherche émergent.
Pourquoi être chercheur à la Faculté des SSP de l’UNIL ?
Je pourrais répondre en mentionnant que j’ai choisi l’UNIL car c’est une Université prestigieuse et qu’elle offre des conditions de travail et de stimulation intellectuelle exceptionnelles. Cela ne serait pas faux. Cela dit, si je suis ici aujourd’hui, c’est avant tout car je suis un Lausannois de cœur et d’appartenance. Une fois ma thèse en poche, j’ai quitté la Suisse et mené une carrière académique pendant près de dix ans à l’étranger (en Belgique puis au Luxembourg). S’expatrier à un moment donné me paraît être devenu la condition sine qua non pour qui aspire à une carrière académique. J’ai néanmoins toujours eu en ligne de mire un retour en terre helvétique, et cette opportunité s’est présentée l’année passée ! Poursuivre ma carrière académique à l’UNIL est donc une réelle consécration, et l’aboutissement du travail de ces dix dernières années.
Qu’attendez-vous de vos recherches ?
Beaucoup. J’attends de mes recherches qu’elles permettent de mieux comprendre et traiter les conduites addictives et qu’elles apportent aux cliniciens des outils concrets pour les évaluer et les traiter. J’attends également de mes recherches qu’elles permettent de mieux comprendre des comportements problématiques émergents (comme l’utilisation excessive des smartphones ou des jeux vidéo) tout en évitant de les « pathologiser » à outrance. Mes recherches visent notamment à mieux cerner ce qui différencie l’addiction de la passion, dans l’optique d’avoir une approche plus raisonnable et nuancée des inquiétudes entourant l’utilisation des jeux vidéo, des réseaux sociaux, ou plus largement des écrans. J’attends aussi de mes recherches qu’elles m’amènent sans cesse à m’éloigner de ma zone de sécurité, en élargissant mes thèmes de recherche ou mes méthodes d’expérimentation et d’analyse. Finalement, et même si cela pourrait paraître anecdotique, j’attends de mes recherches qu’elles me stimulent, me passionnent et m’amusent.
Quelles difficultés éprouvez-vous dans le travail de recherche ?
Pour moi, la plus grande difficulté associée à la vie académique est le maintien d’un cadre de vie équilibré (famille, travail, loisir). L’académique se retrouve dans un perpétuel équilibre dans lequel il faut arriver à dire « non » à des sollicitations multiples (par ex. écrire un chapitre, réviser un article, donner une conférence ou un atelier le samedi) tout en identifiant les opportunités permettant d’avancer professionnellement. Dans notre métier, les limites ne sont finalement que celles que nous nous fixons, ce qui est déstabilisant et nécessite un apprentissage d’autorégulation.
Quels sont les talents cachés qui vous aident à surmonter ces difficultés ?
Ma famille, mes amis et mes passions. C’est ce qui dicte les priorités et permet de mettre les choses en perspective, donc de s’autoréguler.