Éprouver le risque “alcool et grossesse” entre recherche, clinique et santé publique »
Titulaire d’une licence en sciences sociales et d’un DEA en études genre de l’Université de Lausanne, Céline Schnegg a réalisé son assistanat à l’Institut des sciences sociales de 2007 à 2011. Elle a ensuite travaillé en tant que collaboratrice scientifique à la Haute École de Santé Vaud (HESAV), achevant en parallèle son travail de doctorat en sciences sociales sous la direction des Prof. Nicky Le Feuvre et Claudine Burton-Jeangros. Elle travaille actuellement dans cette même école en tant qu’adjointe scientifique et mène un projet de recherche sur les enjeux de l’imagerie post-mortem du point de vue de la réalisation de l’enquête médico-légale.
La thèse s’intéresse au risque lié à la consommation d’alcool pendant la grossesse, tel qu’il est concrétisé dans les arènes de la recherche, de la clinique et de la santé publique en Suisse romande. Elle est basée sur une démarche ethnographique, combinant l’analyse de plusieurs types de matériaux – publications scientifiques, articles de presse, feuillets de prévention, observations, entretiens avec des professionnel·le·s concerné·e·s. Plus précisément, l’investigation suit une approche d’inspiration pragmatique pour analyser les diverses manières dont les professionnel·le·s éprouvent le risque « alcool et grossesse ». Les épreuves ont surtout lieu sur la périphérie incertaine du risque. Elles concernent les effets d’une consommation modérée d’alcool pendant la grossesse, que les professionnel·le·s se refusent à extrapoler à partir du noyau dur, le syndrome d’alcoolisation fœtale (SAF) associé à des consommations massives. Alors que le risque « alcool et grossesse » est éprouvé à partir de normes, de valeurs et de techniques propres aux trois arènes considérées, coexistent des définitions à géométrie variable du risque, de même que des attributions différenciées des causes et des responsabilités. Si le risque, généralisé à toute consommation sur la base du principe de précaution, atteint son étendue maximale dans l’arène de la santé publique, il est réduit au SAF et aux manifestations visibles d’alcoolisme maternel dans la clinique.
L’absence de continuité/coïncidence entre les épreuves qui ont lieu dans les différentes arènes peut expliquer que le risque n’émerge pas en tant que problème public en Suisse romande : son instabilité rend impossible la constitution d’une expérience parentale qui serait pourtant nécessaire à sa survenue dans l’espace public, comme le montre le cas français. A cet égard, cette thèse souligne l’importance de ne pas considérer a priori les problèmes de santé publique comme des problèmes publics. Elle insiste également sur la pertinence d’articuler une réflexion en termes de tangibilité, d’expérience et de publicisation du risque.