En Suisse, et jusqu’en 1981, des adultes et enfants venant généralement de milieux sociaux démunis pouvaient faire l’objet de « mesures de coercition à des fins d’assistance et placements extrafamiliaux » de la part des autorités. Cette recherche, financée par le FNS dans le cadre du PNR76, examine les débats intenses autour de ces mesures, qui ont émergé dans les médias et les arènes politiques depuis les années 2000. Le projet est dirigé par la Prof. Véronique Mottier (ISS). Elle travaillera avec la chercheuse post-doc Mairena Hirschberg (ISS), et en collaboration avec des collègues des Universités de Cambridge et de Leeds afin de développer des comparaisons internationales.
La reconnaissance, officielle mais récente, des injustices historiques commises dans le contexte des mesures d’assistance et de coercition a déclenché un processus de réflexion collective sur la manière dont les souffrances des victimes de ces mesures devraient être reconnues. Ces mesures ont en effet occasionné des traumas individuels pour de nombreuses victimes, en Suisse comme dans d’autres pays où des pratiques comparables ont eu lieu. Cependant, ces traumas individuels ont également été le point de départ pour un processus de travail de mémoire collective, sous forme de débats critiques autour d’enjeux politiques fondamentaux, comme le rapport entre citoyen/e/s et Etat, justice et injustice sociale, identité nationale et reconnaissance de torts historiques.
Cette recherche vise notamment à cartographier le rôle des victimes de ces mesures dans ce travail de mémoire collective. En effet, les victimes elles-mêmes ont joué un rôle-clé dans ce processus par leurs demandes de reconnaissance et de compensation, qui ont permis de visibiliser cette épisode récente de l’histoire suisse. Nous examinerons ainsi la manière dont les victimes ont réussi à faire entendre leurs voix dans ces débats, et quelles voix – ou quels enjeux – ont reçu moins d’attention dans les débats politiques et dans les médias (2000-2017). La première étape de ce projet entreprend d’étudier ces questions à l’échelle nationale, à travers des entretiens avec des acteurs-clefs de ce processus (représentants d’organisations de victimes, acteurs politiques, etc.). Dans un deuxième temps, nous ferons des comparaisons avec des expériences similaires de «travail de mémoire» dans d’autres contextes nationaux : le Royaume-Uni, le Canada et l’Australie. Ces deux volets du projet ont pour but de permettre une meilleure compréhension des conditions de succès ou d’échec de campagnes de compensation pour des injustices historiques sur le long terme, et les obstacles auxquels sont confrontés les «victimes-activistes» dans leurs demandes de reconnaissance et de justice réparatrice.
Véronique Mottier, Professeure associée à l’ISS, membre du laboratoire Thema & Directrice d’études, Jesus College, Cambridge