Depuis cinq ans, le projet Mémoires Plurielles (PMP) réunit des équipes de recherche basées à Birzeit (en Palestine), à Bujumbura, à Colombo et à Lausanne au sein d’un consortium international et interdisciplinaire. Leur objectif commun concernant ce projet de recherche pour le développement (r4d) est d’étudier le rôle des mémoires collectives et du traitement du passé dans les conflits armés et dans les dynamiques de transformation des conflits. Au fil des années, le consortium a développé un cadre méthodologique pour documenter des mémoires qui vont au-delà de récits binaires des conflits, pour étudier leur circulation à différentes échelles et pour faciliter leur utilisation créative à travers des activités de dissémination et de restitution participatives.
Des activités-socles, comme la constitution d’un corpus de témoignages ou la réalisation d’enquêtes représentatives sur les résonances des mémoires dans les sociétés plus larges, ont été mises en œuvre à travers une démarche collaborative intensive, autour et à partir de laquelle se sont mis en place des travaux de thèse originaux, menés sur les différents sites de recherche. Ceux-ci portent sur des sujets aussi variés que, par exemple, le choc collectif de l’expulsion des Musulmans du Nord du Sri Lanka et sa transmission intergénérationnelle, les connotations historiques et présentes des politiques de normalisation des relations israélo-palestiniennes, ou encore la mise en contraste des angles morts de la couverture international des événements violents au Burundi avec la variété des lieux de mémoires locaux. Une cohorte transnationale de doctorant·e·s s’apprêtent ainsi à finaliser leurs thèses au courant de l’année qui vient. Le programme doctoral qui les a réuni annuellement sur le campus lausannois ne va néanmoins pas disparaître avec la fin de leurs parcours de thèse et du projet r4d, s’étant mué entretemps en une école d’été permanente et ouverte à des doctorant·e·s du monde entier.
La préservation de ce lieu d’échange, les liens personnels et institutionnels créés, les publications et thèses escomptées constitueront autant de biens durables issus du consortium. A ceux-ci s’ajoute un corpus de témoignages et de données d’enquête unique en son genre, qui sera préservé et mis à disposition de la communauté scientifique internationale à travers les archives de la Fondation Suisse pour la Recherche en Sciences Sociales (FORS). De plus, une nouvelle archive de données pour les sciences sociales verra prochainement le jour au Sri Lanka, comme résultat concret d’une coopération du International Centre for Ethnic Studies à Colombo avec FORS et le consortium PMP. L’enquête phare qui va y être archivée permet d’ores et déjà d’étayer par des résultats empiriques concrets une intuition qui était à l’origine du projet: en période d’après-guerre, le soutien populaire à des politiques ou actions collectives visant une transformation constructive du conflit est plus fort parmi celles et ceux qui ont accès à une pluralité de perspectives sur les événements du conflit et qui perçoivent qu’il est possible de partager cette pluralité au sein de leur environnement social.
Guy Elcheroth, MER à l’ISS, responsable du projet, décembre 2018