Florian Jaton est titulaire d’un Bachelor en Langue et Littérature Anglaises de l’Université de Lausanne et d’un Master en Science Politique de l’Université de Lausanne. Lauréat d’un subside FNS Doc.ch (SHS) en octobre 2013, il a soutenu sa thèse en sciences sociales le 6 novembre 2017 sous la direction du Prof. Dominique Vinck (UNIL, ISS) et de la Prof. Sabine Süsstrunk (EPFL, IVRL). Durant sa thèse de doctorat, il a également effectué un séjour de recherche d’une année à l’Université de Californie, Irvine, au sein du EVOKE Lab & Studio dirigé par le Prof. Geoffrey C. Bowker.
Les recherches de Florian Jaton portent sur les pratiques de théorisations sous-jacentes aux technologies digitales. Davantage d’informations sont disponibles sur son site Internet : www.florian-jaton.com.
The Constitution of Algorithms : Ground-Truthing, Programming, Formulating
Cette thèse rend compte de pratiques dont l’articulation aboutit, parfois, à la constitution de méthodes informatiques de calcul, souvent appelées « algorithmes ». Contrairement à la plupart des études sociale contemporaines qui documentent ce que les algorithmes existant font, cette étude de laboratoire documente les opérations nécessaires à la mise en existence des algorithmes. En suivant les acteurs humains et non-humains impliqués dans la constitution des algorithmes, ce travail ethnographique éclaire d’une lumière nouvelle ces entités élusives et souvent controversées. L’ambition de cette enquête est de fournir des prises analytiques innovantes à même d’intéresser celles et ceux qui interagissent étroitement avec les algorithmes, leurs défenseurs tout comme leurs adversaires.
Cette aventure exploratoire au cœur de la science informatique en action est marquée par trois principales découvertes. Premièrement, de nombreuses méthodes informatiques de calcul reposent sur des bases de données référentielles appelées « ground truths » qui rassemblent en leur sein des « input-data » et des « output-targets ». Les processus participant à la définition de ces bases de données « ground truths » impactent fortement sur la nature des algorithmes qu’elles aident à façonner et à évaluer. Deuxièmement, et de façon peu surprenante, écrire des lignes de code capables de modifier des données numériques d’une façon désirable est tout à fait central à la constitution des algorithmes. Pour autant, ce n’est qu’en considérant la programmation informatique comme une pratique – et non pas seulement comme l’expression de facultés mentales – que nous pourrons enfin apprécier à sa juste valeur cette fascinante activité. Troisièmement, la réduction progressive des bases de données « ground truths » aide à la formulation des relations entre les « input-data » et les « output-targets » de ces bases de données. Ces pratiques de formulation permettent parfois l’enrôlement d’énoncés mathématiques certifiés qui définiront l’horizon de futurs programmes informatiques.
Ces trois découvertes quant à la constitution des algorithmes sont intimement liées : les pratiques de formulation se basent sur, et souvent influencent, les pratiques de « ground-truthing » qui elles-mêmes requièrent des pratiques de programmation, elles-mêmes parfois spécifiées par les résultats de pratiques de formulation. Ce que l’on tend à appeler « algorithme » pourrait ainsi être considéré comme le résultat incertain de l’interaction entre ces trois activités pratiques.