Edmée Ballif est titulaire d’un Bachelor en Lettres et d’un Master en Sciences des religions de l’Université de Lausanne. Entre 2010 et 2017, en parallèle à la réalisation de son doctorat, elle a occupé un poste d’assistante diplômée à l’Institut des sciences sociales et a obtenu une bourse Doc.Mobility du FNS pour un séjour de 18 mois au Massachusetts Institute of Technology et à la Northeastern University (Cambridge et Boston MA, USA). Elle a soutenu sa thèse en sciences sociales le 19 juillet 2017, sous la direction de la prof. Véronique Mottier (UNIL et Jesus College, Cambridge). Ses intérêts de recherche comprennent la régulation sociale de la grossesse et de la maternité, la construction sociale des catégories de sexe, les modalités du travail social, les politiques publiques et les méthodes d’enquête qualitatives en sciences sociales.
“Mettre en mots avant de mettre au monde. Modalités temporelles de l’accompagnement psychosocial des femmes enceintes”
Ce travail s’intéresse aux reconfigurations contemporaines du gouvernement des grossesses, à partir du cas d’un service suisse romand d’accompagnement psychosocial des femmes enceintes, le Conseil en périnatalité. Si le processus de médicalisation des grossesses au cours du XXème siècle et la disciplinarisation des femmes enceintes, enjointes à surveiller leur comportement au nom de la santé de leur fœtus, ont été bien décrits dans la littérature en sciences sociales, les dispositifs visant à proposer une offre « psychosociale » complémentaire au suivi centré sur le corps des femmes enceintes sont moins connus. Cette thèse propose donc d’en explorer les enjeux en décrivant les pratiques des professionnelles du Conseil en périnatalité et les représentations de la grossesse mobilisées dans ce contexte.
L’enquête repose sur une approche originale qui combine et fait dialoguer démarche ethnographique (analyse des pratiques observées) et analyse de discours. Les données ont été produites par un travail ethnographique de deux ans qui a permis de documenter les différentes activités pratiques et discursives des sages-femmes et assistantes sociales du Conseil en périnatalité par le biais d’observations, d’entretiens et de collecte de documents. L’analyse des données vise à mettre en lumière en particulier les modalités temporelles des pratiques professionnelles en périnatalité, mais également les multiples formes de pouvoir en jeu dans le travail d’accompagnement notamment à travers la naturalisation des catégories de sexe. Il en ressort que les sujets de l’accompagnement (femmes enceintes, hommes, fœtus) sont insérés dans des enjeux de temporalité paradoxaux : les consultations agissent comme un dispositif qui construit la grossesse comme un temps extra-ordinaire régi par ses propres règles, tout en évaluant ce présent à l’aune du futur, dans une logique de risques. Si une forme de disciplinarisation peut être identifiée dans la transmission aux parents de normes médicales, l’accompagnement est également l’occasion pour les professionnelles en périnatalité d’exercer un pouvoir pastoral sur leur public en prenant soin des futurs parents et en les guidant.
Enfin, le travail montre comment, malgré un discours officiel neutre en termes de genre, ce que Edmée Ballif appelle le gouvernement psychosocial des grossesses repose sur une représentation sexuée des rôles parentaux qui reproduit le positionnement des femmes comme les premières responsables de l’avenir de leur fœtus.