Ce projet, financé par le FNS et mené à l’IEPHI par Dr. Rahel Kunz, porte sur la manière dont les transferts de fonds ont été rattachés à des initiatives d’inclusion financière (définie comme la possibilité d’accéder à des produits et des services financiers) et de financiarisation.
Depuis deux décennies, les transferts de fonds que les migrant·e·s font parvenir à leurs familles et communautés d’origine ont attiré l’attention de multiples acteurs internationaux ainsi que d’acteurs étatiques et non étatiques, qui proposent d’utiliser ces flux pour financer le développement et promouvoir l’émancipation des femmes. Les transferts de fonds sont ainsi rattachés à des initiatives d’éducation financière, des services financiers spécifiques et une certaine forme d’innovation financière. Par exemple, des Etats dont sont originaires certain·e·s migrant·e·s émettent des « obligations diaspora » ; des institutions financières proposent des microcrédits et des micros-assurances basés sur les transferts de fonds, tout en offrant aux migrant·e·s et à leurs familles, et en particulier aux femmes, des séances d’éducation financière afin d’en faire des « débiteurs responsables ». Cette financiarisation des transferts de fonds et ses effets sur le développement et sur l’émancipation des femmes dans l’optique du ‘gender as smart economics’ suscitent actuellement l’intérêt de la communauté académique et du monde politique.
Pour l’instant, ce phénomène a surtout été analysé au niveau macro en se focalisant sur les pays industrialisés, soit sous un angle économique qui promeut la financiarisation en tant qu’instrument de développement et d’émancipation, soit selon une perspective qui critique la financiarisation comme un nouveau site néolibéral d’exploitation capitaliste aux dépens des migrant·e·s et de leurs familles. Ce qui n’a pas encore été étudié de manière approfondie ce sont les enjeux politiques et les multiples manifestations empiriques locales de ce phénomène global de la financiarisation. Ce projet de recherche répond à cette lacune avec une étude détaillée au niveau micro tout en faisant des liens avec le niveau macro.
A l’aide de trois études de cas au Kenya, au Mexique et au Népal, l’équipe de recherche analysera les éléments socioculturels institutionnels et discursifs qui caractérisent le phénomène de la financiarisation dans ces contextes spécifiques. En combinant les théories Foucaldiennes et féministes avec une approche de l’économie politique internationale du quotidien (‘Everyday Cultural Political Economy’), ce projet vise à développer une nouvelle conceptualisation du quotidien genré de la financiarisation et de son interaction avec le global. La méthodologie adoptée se base sur une approche multi-site et multi-méthodes qui combine entretiens d’experts et analyse documentaire avec une étude de terrain approfondie. Les résultats de ce projet pourront contribuer à informer les décideur·e·s politiques à mieux comprendre et gérer les multiples enjeux de ce phénomène. Ce projet trouve un fort écho au niveau international avec le G20 et la Banque Mondiale qui s’intéressent actuellement au phénomène de la financiarisation des transferts de fonds et à la financiarisation de manière plus générale.