Juliana Nunes Reichel

Vécu migratoire, sentiment de satisfaction et intégration sociale chez des femmes migrantes qualifiées issues d’Etats tiers

 Juliana Nunes Reichel, Docteure en psychologie, a obtenu sa Maîtrise universitaire ès Sciences en psychologie à l’Université de Lausanne en 2011, suite à une licence en psychologie obtenue au Centre Universitaire de Brasilia (Brésil) en 2008. Elle a travaillé comme psychologue stagiaire en clinique avant d’occuper un poste d’assistante doctorante au sein du Centre de recherche en psychologie de la santé et du vieillissement (CerPsavi) à l’Université de Lausanne, où elle a soutenu sa thèse de doctorat en 2016.

En Europe et en Suisse, les femmes issues d’Etats tiers (hors UE et AELE) constituent la population la plus vulnérable en raison d’un phénomène de « triple désavantage » lié aux inégalités de genre, à l’origine (droit de séjour) et aux entraves sociopolitiques de discrimination. Cette population a été étudiée selon deux perspectives, principalement : l’adaptabilité, en management, et l’acculturation dans le courant mainstream en psychologie. Au niveau sociopolitique, l’accent est mis sur la déqualification des femmes, sans approfondir le contenu de ce vécu. Ainsi, cette recherche contribue à la compréhension de l’impact de la migration sur le vécu et la satisfaction de vie des femmes migrantes qualifiées en Suisse romande. Par une approche singulière, interdisciplinaire et contextuelle, nous explorons les principales difficultés et stratégies qui leur permettent de dépasser les obstacles structurels et symboliques à la satisfaction de leur parcours migratoire.

Nous avons adopté une approche méthodologique qualitative fondée sur 30 entretiens semi-structurés, avec deux groupes de migrantes qualifiées issues d’Etats tiers (celles engagées pour un travail et celles venues par d’autres biais) et sur une analyse thématique et lexicale. Par l’étude des facteurs subjectifs, intersubjectifs et structurels, cette recherche montre l’inadéquation de la distinction entre « migrantes » et « expatriées » telle que traitée dans l’actualité et remet en question la définition même de l’intégration. En effet, les résultats montrent que la déqualification n’est pas durable lorsque les ressources concrètes et symboliques sont suffisantes.

Le modèle que nous proposons montre que les éléments compensatoires lors des moments de détresse et la maîtrise subjective sont des éléments clés pour le contentement relatif des femmes, davantage que l’insertion professionnelle et la maîtrise langagière. La création de nouveaux cadres de sens cohérents avec leur situation de vie permet l’ouverture à l’altérité et favorise la création des liens sociaux suffisamment contenants. Nos résultats ouvrent des pistes de réflexion sur l’empowerment de cette population grandissante et particulièrement vulnérable.