Wem gehört Bosnien ? Die Nationalitätenpolitik der Kommunisten in Bosnien und Herzegowina, 1943-1974
Après une licence en science politique avec certificat d’histoire à l’Université de Lausanne en 2007, Sevan Pearson entreprend des études est-européennes à la Ludwig-Maximilians-Universität de Munich (histoire est-européenne, science politique, langues slaves) et obtient son master en 2009. Il poursuit sa formation avec un doctorat en cotutelle entre les deux universités susmentionnées auprès des Prof. Thomas David (IEPHI) et de la Prof. Dr. Marie-Janine Calic. Sa recherche est consacrée à la politique des nationalités des communistes en Bosnie et Herzégovine entre 1943 et 1974. De 2012 à 2015, il est collaborateur scientifique au Collegium Carolinum à Munich.
Lorsque les communistes prennent le pouvoir en Yougoslavie durant la Seconde Guerre mondiale, ils se trouvent confrontés à une question vieille d’un siècle : « A qui est la Bosnie ? ». Sur ce territoire vivent trois communautés enchevêtrées dont aucune n’atteint la majorité absolue : les Serbes, les Croates et les musulmans, des Slaves islamisés par les Ottomans à la fin du Moyen-Age et ayant développé une identité propre. Depuis l’émergence des mouvements nationaux dans les Balkans au 19e siècle, Serbes et Croates s’entre-déchirent au sujet de la Bosnie et Herzégovine et visent la majorité absolue en pressant les musulmans de les rallier. Ce conflit atteint son apogée durant la Seconde Guerre mondiale, lorsque des extrémistes serbes et croates s’adonnent à des massacres dans le but de modifier la structure ethnique complexe à leur avantage et de répondre ainsi à la question « A qui est la Bosnie ? ». Lorsque le Parti communiste yougoslave établit les bases d’une fédération yougoslave dès 1943, la résolution du conflit serbo-croate s’avère centrale afin d’assurer la stabilité du nouvel Etat multinational. La solution adoptée est un compromis : la Bosnie et Herzégovine sera une république à part entière, bien que dépourvue d’une nation titulaire (ce qui est le critère pour qu’un territoire obtienne le statut de république), mais les musulmans devront opter pour une identité nationale serbe ou croate et ne sont pas reconnus comme une nation, contrairement à leurs aspirations. Ce compromis originel, adopté dans un contexte de forte domination des cadres communistes serbes en Bosnie et Herzégovine, est cependant mis à mal par des évolutions politiques majeures.
Ainsi, la question nationale, considérée comme résolue en 1945 par les communistes, ressurgit dès la fin des années 1950. En Bosnie et Herzégovine, le refus réitéré des musulmans de se déclarer comme Serbes ou Croates lors des recensements de 1948 et de 1953 ainsi que la faible intégration des Croates dans les institutions politiques ravivent les débats quant à la question nationale. Ces discussions coïncident avec l’arrivée progressive de nouvelles élites qui placent au cœur de leurs préoccupations le maintien d’une harmonie interethnique. Les autorités de Bosnie et Herzégovine s’attèlent donc à assurer une égalité en droits des trois communautés, afin qu’aucune ne se sente discriminée. Mais cette équation fragile suppose une émancipation vis-à-vis des républiques voisines de Croatie et de Serbie, afin que celles-ci cessent de s’immiscer dans les affaires de la Bosnie et Herzégovine et d’en déstabiliser l’équilibre interne.
Les élites locales adoptent ainsi plusieurs mesures, dont la reconnaissance progressive des Musulmans comme une nation à part entière dans les années 1960. L’affirmation du caractère trinational de la Bosnie et Herzégovine vise dans un premier temps à se libérer du contentieux serbo-croate et à répondre définitivement à la question « A qui est la Bosnie ? ». Cependant, la politique des nationalités devient progressivement un outil central de la politique cherchant à renforcer la position et l’autonomie de la Bosnie et Herzégovine au sein de la Fédération yougoslave.