La Journée de la recherche 2015 de la Faculté des SSP a été l’occasion de débattre des effets de l’injonction croissante à la mobilité internationale des chercheurs et chercheuses. La conférence [1], de la Dr. Gaële Goastellec (MER, ISS), visait à dévoiler, à partir des résultats de la recherche européenne EuroAC [2], les enjeux de l’internationalisation des marchés, des carrières et des activités.
Les discours des grands organismes internationaux comme ceux des gouvernements et acteurs de l’enseignement supérieur font de l’internationalisation une qualité. Mais de quoi parle-t-on ?
Premièrement, en Europe, les marchés de l’emploi académique demeurent très nationaux, avec une faible part de personnes « étrangères » recrutées. Dans les petits pays, où elle est plus importante, il s’agit essentiellement d’une mobilité régionale. La mobilité est par ailleurs davantage une mobilité de la formation que de l’emploi. On est donc loin d’un marché européen du travail académique. En revanche, l’internationalisation participe d’une européanisation des structures des carrières : réduction de la durée du doctorat, post-doc comme prérequis à l’entrée dans la profession, et développement de postes de professeur-e-s en pré-titularisation conditionnelle.
Deuxièmement, la mobilité internationale est socialement située : la probabilité d’avoir été mobile varie selon deux dimensions : l’âge (mobilité un peu plus fréquente chez les jeunes) et l’origine sociale (enfants de diplômé-e-s du supérieur). Contrairement aux stéréotypes, les femmes apparaissent au moins aussi mobiles que les hommes. Cependant, la mobilité n’accélère pas nécessairement l’accès à l’emploi.
Troisièmement, la mobilité internationale pendant la carrière favorise l’intégration à des réseaux de recherche internationaux, avec un effet mécanique sur la productivité scientifique, mais n’a que peu ou pas d’incidence sur l’internationalisation des activités ne nécessitant pas de mobilité. La diffusion de l’internationalisation des activités apparaît ainsi plus importante que l’internationalisation des trajectoires de carrière ou des marchés.
In fine, l’internationalisation met en tension l’organisation des carrières et les pratiques de recrutement : il y a d’une part, l’importance octroyée à la mobilité et aux pratiques internationales dans la construction des réputations scientifiques, et, d’autre part, l’inscription relationnelle du jugement scientifique qui peut favoriser les recrutements locaux. L’injonction à la mobilité est ainsi toujours plus, pour les individus, source d’incertitude et de tensions.
Gaële Goastellec, MER (ISS, UNIL)
Sites web :
[1] Cette conférence reprenait celle donnée au Collège de France en mai 2015 : http://www.college-de-france.fr/site/pierre-michel-menger/symposium-2015-05-11-10h30.htm
[2] Recherche européenne EuroAC « The Academic Profession in Europe » : https://www.uni-kassel.de/einrichtungen/incher/forschung/wissenschaftlicher-wandel/euroac-academic-profession-in-europe.html