Patrick Clastres a été nommé professeur associé en histoire et sciences sociales du sport et de l’éducation par le sport à l’ISSUL au 1er août 2015. Il est historien et culturaliste de formation.
Quel est le parcours qui vous a amené à être chercheur ?
J’ai toujours envisagé les traces du passé comme autant d’énigmes à résoudre. Et puis, pour Hérodote, histoire signifie bien enquête ! J’ai longuement hésité avant de devenir contemporanéiste et spécialiste d’histoire politique et culturelle. Mes premiers travaux ont porté sur l’histoire économique et sociale de l’Ancien Régime, puis par passion pour l’épigraphie, j’ai bifurqué un temps vers l’histoire romaine. C’est le sport contemporain et l’énigmatique Pierre de Coubertin qui m’ont rattrapé.
Votre domaine de recherche en une phrase ?
Mes travaux portent sur les jeux de miroir entre la planète des sports et la sphère des États, entre les sociétés sportives et les sociétés englobantes. Que signifient « les fictions de neutralité » (Hans Ulrich Jost) et d’apolitisme du sport ?
Et un sujet plus précis en quelques mots ?
Les Jeux olympiques, le CIO, l’olympisme sont autant d’anticipations et de déclinaisons de la mondialisation envisagée comme mondialisation du sport et par le sport. Pourquoi le sport est-il affublé de « valeurs » ? Le sport participe-t-il de l’art ? Ou bien est-il ontologiquement tout autre chose ?
Pourquoi ce domaine de recherche ?
C’est tout à fait par hasard que j’ai buté sur le phénomène sportif. Quelle n’a pas été ma surprise lorsqu’il y a 20 ans on m’a proposé d’enseigner l’histoire du sport. Je n’imaginais pas alors que cela puisse être un objet d’histoire, et encore moins un objet à si forte valeur heuristique. J’aime à dire que le sport est à la fois un conservatoire des traditions et un laboratoire des modernités. Les formes d’organisation, les consommations, les pratiques et techniques, les émotions du sport en disent long sur les sociétés du passé, du présent et même du futur.
Pourquoi être chercheur à la Faculté des SSP de l’UNIL ?
C’est une chance et une responsabilité de pouvoir croiser les sciences du sport avec les sciences sociales et politiques. Et j’ai hâte de pouvoir échanger avec mes collègues sociologues, politistes et historiens qui travaillent ici sur la mondialisation, les élites, les médias ou encore les pratiques culturelles. C’est aussi une formidable exposition et ouverture sur la mondialisation de la recherche en sciences sociales et humaines.
Qu’attendez-vous de vos recherches ?
Lausanne est l’omphalos, le nexus du sport mondial, là où se trouvent les archives et les sièges sociaux du CIO et de plus de 40 fédérations internationales sportives. C’est la possibilité de rencontrer les acteurs d’une histoire en train de se faire et de les accompagner, pourquoi pas, dans leur gouvernance. C’est ce que font déjà mes collègues de l’ISSUL et je me réjouis de leur apporter ma contribution notamment dans le cadre du « Centre d’études olympiques et de la globalisation du sport » (CEOGS) que je vais animer.
Quelles difficultés éprouvez-vous dans le travail de recherche ?
C’est d’abord la solitude stimulante du coureur de fond, de longues plongées dans les archives. Et puis, les flux de publication sont devenues trop rapides et intenses. Les lieux et les moments font défaut pour la critique féconde des travaux et publications des uns et des autres. J’aimerais enfin pouvoir mieux valoriser les travaux en sciences sociales et politiques du sport en direction du grand public, scolaires comme curieux et décideurs, continuer et amplifier par exemple mes collaborations avec le Musée Olympique et les médias.
Quels sont les talents cachés qui vous aident à surmonter ces difficultés ?
La curiosité, le doute, l’abnégation peuvent être des qualités comme des défauts. Ma passion pour l’objet sportif comme pour l’actualité de la pensée et des événements me font peut-être trop confondre travail et loisir.
Qui serez-vous dans 10 ans ?
Un auteur de polars historiques et sportifs, pourquoi pas ? J’ai déjà en tête mon héroïne et l’univers dans lequel elle mènera sa première enquête. Une façon amusante de fusionner l’histoire et le sport dans des énigmes à résoudre.