Entre culture du consensus et critique sociale : les intellectuels de gauche dans la Suisse de l’après-guerre (1945-1968)
Après des études à la Faculté des lettres, Hadrien Buclin a été assistant diplômé à l’Institut d’histoire économique et sociale (IHES, UNIL) de 2009 à 2014. Il a ensuite été chargé de cours à la Section d’histoire de l’UNIL et au Collège des Humanités de l’EPFL. Il poursuit à présent son activité de chargé de cours, à l’Institut d’études politiques, historiques et internationales (IEPHI) de l’UNIL.
Cette thèse étudie l’engagement des intellectuels de gauche dans la vie politique suisse de 1945 à 1968. Il s’agit de retracer l’évolution du statut des intellectuels, que ce soit dans ou hors des partis, ainsi que les débats politiques au sein desquels ces derniers furent impliqués. De ce point de vue, nous mettons en lumière les différents courants et groupes formés par les intellectuels progressistes, depuis les sociaux-démocrates jusqu’aux communistes prosoviétiques, en passant par les chrétiens pacifistes.
S’agissant de l’évolution du statut des acteurs étudiés, ce travail souligne le déclin de la figure de l’intellectuel de gauche organiquement lié à son parti, souvent issu du milieu ouvrier, au profit d’intellectuels critiques, généralement au bénéfice d’une formation académique et revendiquant une certaine autonomie par rapport aux organisations politiques. L’engagement des intellectuels de gauche est envisagé à la lumière de trois périodes. Tout d’abord, nous étudions la phase de l’immédiat après-guerre (1945-1949), marquée par une poussée de la gauche, y compris prosoviétique. Nous nous penchons ensuite sur les années les plus tendues de la guerre froide, entre 1950 et 1962, durant lesquelles la vie politique en Suisse est dominée par un fort anticommunisme, auquel se rallient les dirigeants du Parti socialiste. Enfin, nous montrons comment la critique intellectuelle de gauche se renforce après 1962, à la faveur de la détente Est-Ouest sur le plan international, et avec l’essor, en Suisse même, du mouvement des « non-conformistes ». Ce mouvement est animé par des intellectuels qui dénoncent le conservatisme helvétique, les excès de l’anticommunisme et qui affirment leur solidarité avec les travailleurs immigrés en Suisse, ou encore avec les mouvements sociaux dans les pays du tiers-monde. Nous soulignons en particulier comment l’engagement de ces intellectuels progressistes contribue à préparer le terrain pour les mobilisations de la jeunesse des « années 1968 ».