Sami Coll est collaborateur scientifique au Laboratoire des humanités digitales de l’Université de Lausanne (LaDHUL). Il présente ici les grandes lignes de ses recherches sur le Big Data, qui rencontrent un grand succès auprès du public et qui donnent suite à sa thèse de doctorat sur les cartes de fidélité.
L’ouvrage de Sami Coll, Surveiller et récompenser. Les cartes de fidélité qui nous gouvernent (2015), en examinant de près les systèmes de fidélisation et la façon dont ils recueillent les données personnelles des individus pour les analyser avec des outils de forage des données, fait écho aux préoccupations devenues populaires depuis la médiatisation de l’affaire Snowden. Il a ainsi rencontré un vif succès auprès de la presse et du public. Sa sortie a été annoncée dans une pleine page dans le quotidien Le Temps et dans l’hebdomadaire Le Matin Dimanche. Puis, il a donné lieu à plusieurs interviews à la Radio Télévision Suisse et à des invitations à des conférences prestigieuses : la 8ème Journée suisse du droit de la protection des données, organisée par le Préposé fédéral à la protection des données et à la transparence (PFPDT) et l’Institut de droit européen de l’Université de Fribourg ; et la cinquième journée annuelle sur la gestion de la sécurité informatique, organisée par le Groupement Romand de l’Informatique (GRI) et sponsorisée par des entreprises technologiques comme Swisscom et Symantec. Toutes deux portent sur le Big Data.
Le travail de thèse de doctorat, dont rend compte ce livre, est en effet l’un des premiers travaux empiriques d’envergure sur le Big Data. Mais qu’est-ce que le Big Data ? Historiquement, ce terme aura désigné avant tout une technologie qui permet un stockage massif et non-structuré d’informations dans des bases de données, ainsi que leur traitement exhaustif par des algorithmes informatiques. Dans sa mise en œuvre, en revanche, il désigne à présent plus généralement un ensemble de pratiques en plein essor, à savoir la récolte et le traitement d’informations personnelles à très grande échelle. Il favorise la création de nouvelles applications, notamment en favorisant l’échange de données entre les systèmes. Un tel potentiel d’innovation ne manque pas de susciter de grandes attentes de la part des milieux économiques, qui perçoivent très sérieusement les données comme étant le « nouvel or noir » du XXIe siècle.
Toutefois, le Big Data se heurte à l’esprit des lois de protection des données et de la vie privée. Notamment, une personne doit être « consentante et éclairée » (LPD, art. 4) sur la finalité de la collecte d’informations personnelles. Par ailleurs, les acteurs les plus actifs dans la récolte et l’exploitation de ces données sont des entreprises privées, ce qui favorise le développement d’un pouvoir économique et politique qui tend à échapper au contrôle démocratique. Comment assurer, dans un tel contexte, la préservation de l’équité et de la vie privée des citoyens ? Que devient un savoir qui vise essentiellement l’efficacité immédiate ? En proposant aux individus des produits qui correspondent à leur profil de consommation, ne risque-t-on pas de les enfermer dans des « bulles culturelles » (Pariser 2014)? La notion de vie privée est-elle encore suffisamment adaptée pour protéger les citoyens et pour penser la surveillance ? N’est-elle pas plutôt devenue un outil de gouvernance qui invite les individus à adopter une « pratique de la vie privée » qui soit compatible avec les finalités du Big Data ? C’est pour répondre à ces questions que Sami Coll a démarré au sein du Laboratoire de cultures et humanités digitales de l’UNIL sa nouvelle recherche sur le Big Data, qui s’inscrit dans la suite logique de son travail de doctorat.
Sami Coll, collaborateur scientifique (ISS)