En Europe et en Amérique du Nord la profession d’avocat est affectée par deux profonds changements : sa globalisation et sa féminisation. La recherche financée par le FNS et menée par Eléonore Lépinard (ISS, UNIL), Nicky LeFeuvre (ISS, UNIL), Isabel Boni-Le Goff (ISS, UNIL) et Grégoire Mallard (IHEID), vise précisément à analyser les effets de la globalisation sur les trajectoires professionnelles des jeunes avocat-e-s dans trois contextes nationaux (Allemagne, Suisse, France)
En s’intéressant aux conséquences des processus de globalisation sur les inégalités de genre au sein d’une activité qui se féminise de plus en plus, la recherche adopte une démarche comparative entre trois pays présentant des configurations différentes de la profession d’avocat : la France a plus de grands cabinets que l’Allemagne et la Suisse, même si la pratique individuelle du métier y est aussi développée. En outre, alors que la profession d’avocat est fortement féminisée en Allemagne et en France, cela est nettement moins le cas en Suisse, une exception qu’il s’agira d’expliquer. L’enquête se focalise sur les jeunes générations, de manière à cerner au mieux la façon dont les conditions d’exercice du métier et les processus de globalisation influencent les choix que les avocat-e-s effectuent durant les dix premières années de leur carrière.
Le projet comporte deux volets. Dans une première phase, une enquête quantitative sera réalisée auprès d’un échantillon représentatif d’avocat-e-s inscrit-e-s aux barreaux de Paris, Francfort, Genève et Zurich. Dans une deuxième phase, des entretiens semi-directifs seront réalisés auprès de jeunes avocat-e-s, afin de compléter les analyses élaborées à partir des données quantitatives. Ces résultats pourront être comparés aux conclusions d’une étude longitudinale réalisée par l’American Bar Foundation auprès des jeunes diplômé-e-s des facultés de droit inscrit-e-s au barreau de New York et Washington.
Cette recherche permettra d’analyser les mécanismes par lesquels la globalisation d’une profession affecte les dynamiques de genre en son sein et de déterminer comment les avocat-e-s issu-e-s des générations les plus touchées par ce processus négocient les demandes multiples liées à leur vie professionnelle et familiale. Elle vise, en particulier, à identifier les mécanismes qui poussent certaines femmes avocates diplômées à quitter la profession au cours des dix premières années de leur carrière, ainsi qu’à comprendre pourquoi cette déperdition est plus importante dans certains contextes nationaux que dans d’autres. Alors que de nombreuses professions supérieures se féminisent, dans un marché du travail hautement qualifié de plus en plus internationalisé, cette recherche entend finalement expliquer pourquoi féminisation ne rime pas toujours avec égalité.
Eléonore Lépinard, professeure associée (ISS, UNIL)