C’est à cette question que vont s’atteler les sociologues du politique Cécile Péchu, Philippe Gottraux et Olivier Fillieule (IEPI), et l’historien Nuno Pereira (IHES), dans le cadre d’une recherche de trois ans financée par le FNS qui débutera en janvier prochain.
Les anciens soixante-huitards sont souvent présentés comme ayant retourné leur veste, passant « du col mao au Rotary ». Or, des études menées aux Etats-Unis ou en France tendent à montrer que les militants restent plutôt fidèles à leur passé, leur vie étant affectée par leur expérience militante : ils sont plus à gauche que leurs contemporains, et ont des carrières professionnelles et des vies familiales plus chaotiques que ces derniers.
La recherche analysera cette question en Suisse, sur deux familles de mouvements encore peu étudiées : la Nouvelle Gauche Radicale et les mouvements de travailleurs. Elle observera la manière dont les caractéristiques des individus avant l’engagement, les spécificités des groupes dans lesquels ils s’intègrent, et les contextes dans lesquels ils agissent, pèsent sur les conséquences biographiques de l’engagement durant la « décennie mouvementée » (1968-1978).
Ces conséquences seront analysées dans trois sphères de vie : politique, professionnelle et familialo-affective. En travaillant sur deux villes, Genève et Zurich, et en collaborant avec une enquête similaire portant sur plusieurs villes de France (SOMBRERO, dirigée par Olivier Fillieule), nous pourrons comparer l’effet de contextes plus ou moins favorables aux mouvements sociaux, la Suisse étant sur ce plan plus répressive face à la contestation. Pour chaque famille de mouvement, il s’agira de contraster des groupes plus ou moins inclusifs et des militants plus ou moins impliqués, pour faire ressortir l’effet de la socialisation organisationnelle.
L’étude relève d’un mixed-method design : elle exploitera une base de données existante produite par l’équipe des Prof. Jean Batou et Brigitte Studer, analysera 112 récits de vie recueillis auprès d’anciens militants, et traitera quantitativement des questionnaires administrés à cette occasion.
Au final, trois objectifs sont visés: 1) étudier empiriquement ce que sont devenus les personnes engagées dans deux familles de mouvements 2) enrichir les travaux historiques sur l’engagement durant la décennie 1968-1978 3) formuler un modèle théorique pour l’étude des effets socialisateurs multiples des mouvements sociaux, en intégrant le rôle des contextes nationaux et subnationaux.
Cécile Péchu, MER (IEPI)
Philippe Gottraux, MER (IEPI)
Olivier Fillieule, professeur ordinaire (IEPI)
Nuno Pereira (IHES),