Soutenu par le FNS, ce projet porte sur l’évolution de l’élite académique en Suisse au cours du XXe siècle et débutera le 1er mai 2013. Dirigée par le Prof. Felix Bühlmann (ISS), par le Dr. André Mach (IEPI) et par le Prof. Thomas David (IHES), l’équipe de recherche interdisciplinaire est composée de deux doctorants, Marion Beetschen et Thierry Rossier, et de Steven Piguet, collaborateur scientifique.
Récemment, dans le cadre de l’appel de Zurich en faveur de la préservation de l’indépendance scientifique (http://www.zuercher-appell.ch), l’université de Zurich, fondée en 1833, soulignait fièrement sur son site internet qu’elle était «la première université d’Europe qui n’ait été fondée ni par un prince ni par l’église, mais par un organisme d’Etat démocratique». La question de l’autonomie du monde académique est au centre de notre recherche sur les élites académiques suisses. L’objectif de ce projet, financé par le FNS, est, en effet, d’étudier l’évolution de l’élite académique en Suisse au cours XXe siècle. Durant cette période, l’université moderne et ses élites ont subi de profonds changements (autonomisation, multiplication de ses employé-e-s et de ses étudiant-e-s, importance croissante de la recherche, pressions managériales accrues, internationalisation et modeste féminisation). Prenant en considération ces grandes évolutions du champ académique dans la longue durée, notre projet s’interroge sur la manière dont ces changements ont affecté les caractéristiques des professeur-e-s d’université, en développant deux axes de recherche:
1) Quelles relations les élites académiques entretiennent-elles avec d’autres champs (politique, économique ou administrative) et comment ces relations ont-elles évolué au cours du XXe siècle?
2) Quels sont les ressources ou capitaux de cette élite académique, comment ses membres ont-ils acquis ces capitaux et comment sont-ils distribués dans le champ académique, notamment à travers les disciplines scientifiques?
Afin de répondre à ces deux interrogations, nous allons élaborer une base de données historique des professeur-e-s ordinaires des universités suisses, en nous appuyant sur une base déjà existante sur les élites suisses au XXe siècle (www.unil.ch/elitessuisses). Nous allons collecter des données sur les professeur-e-s en fonction à cinq dates (1910, 1937, 1957, 1980 et 2000). Ces informations concerneront notamment la réputation scientifique de ces professeur-e-s, leurs réseaux sociaux, leur expérience internationale ainsi que leur carrière et formation. Dans un deuxième temps, nous étudierons l’importance relative et changeante de leurs différentes ressources et de leur distribution au sein du champ académique. Nous porterons un intérêt particulier à trois disciplines proches du pouvoir: les ingénieurs, les juristes et les économistes.
Ces données seront analysées par une combinaison novatrice de méthodes. Premièrement, l’analyse de réseaux permettra de mettre en évidence les liens des professeur-e-s avec d’autres sphères sociales – par exemple commissions d’experts, conseils d’administration, mandats politiques ou encore divers groupes d’intérêt. Deuxièmement, l’analyse de séquence sera utilisée afin de retracer les carrières des professeur-e-s, d’éclairer les éventuelles connections avec d’autres champs de pouvoir créées par ces carrières ou encore le degré variable d’internationalité des trajectoires académiques. Finalement, une analyse des correspondances multiples nous permettra de comprendre la distribution des ressources de pouvoir et de décrire les structures et hiérarchies du champ académique.
Ce projet permettra finalement de dresser un tableau général de la situation des élites académiques en Suisse et de dépasser une perspective limitée à une discipline ou une université spécifique. En outre, la couverture de l’ensemble du XXe siècle nous permettra de comprendre l’évolution de l’élite académique dans la longue durée et de thématiser les enjeux futurs des liens entre la société helvétique et ses universités.