Le mercredi 5 avril 2017, 18 heures, salle 4215
François Jarrige : Penser la manivelle à l’âge industriel : dispositifs, usages et métaphores au XIXe siècle
La manivelle représente un dispositif simple mais qui soulève de nombreuses questions pour l’historien des techniques. Il s’agit d’un composant mécanique qui permet de mobiliser une force pour transformer un mouvement circulaire continu en mouvement linéaire alternatif. Malgré sa simplicité, ce dispositif n’existait pas dans le monde antique occidental ; et ce n’est qu’avec les moulins à bras qu’apparaît une manivelle rudimentaire, simple poignée qui permet de moudre le grain par des mouvements d’aller-retour. Les premières représentations de manivelles apparaissent aux XIe et XIIe siècles, puis leur usage s’étend et se diversifie au fur et à mesure des développements techniques et industriels des siècles suivants. De même qu’elle met en mouvement le moulin à bras, elle permet au joueur de vielle d’actionner sa roue ; au XIXe siècle elle sert à de multiples usages et correspond à un temps dominé par les Low tech. Elle accompagne l’industrialisation à l’ère des moteurs simples et permet un accroissement de la productivité du travail humain durant la phrase proto-industrielle, à l’image du rouet des fileuses à domicile actionné par une simple manivelle, ou des caméras aux premiers temps du cinéma. L’enjeu de cette communication sera de réfléchir à la diversité de ces usages, d’étudier les représentations et fonctions de ce dispositif technique à l’âge industriel naissant. Il s’agit de croiser un questionnement épistémologique sur l’écriture de l’histoire des techniques tout en éclairant ce qu’est la manivelle, à quoi elle sert, et comment elle contraint l’historien à décaler le regard par rapport aux innovations qui sont généralement au cœur de son récit.
Le mercredi 26 avril 2017, 18 heures, salle 4215
Yves Citton : Que nous font les media ?
Est-il possible de caractériser ce que nous font les media d’une façon très générale (et forcément abstraite), tout en s’en faisant néanmoins une représentation concrète et intuitive ? Que peut-il y avoir de commun entre un film, un appel téléphonique, un livre, un tweet et une page internet ? On essaiera de répondre à cette question en présentant la notion de « coupe agentielle » (agential cut), développée par Karen Barad de l’université de Santa Cruz à partir de la physique quantique et de la théorie des appareils de Niels Bohr. Un film comme un poème ou une carte postale opèrent une certaine « coupe » faisant que certains aspects de cette réalité font effet de « matter », terme qui en anglais désigne aussi bien ce qui fait « matière » et ce qui fait « sens ». Cette convergence de la matière et du sens à travers les appareils de médialité peut-elle converger avec la théorie des « dispositifs » développée par les chercheurs de l’université de Lausanne ? C’est ce qu’on essaiera de mettre en discussion.
Le mercredi 17 mai 2017, 18 heures, salle 4215
François Albera : Le dispositif social du Ciné-Œil (Kino-Glaz), du Radio-Œil (Radio-Glaz) et de la Radio-Oreille (Radio-ouka)
Le Soviet des Trois puis le groupe des Kinoks autour de Dziga Vertov, enfin Vertov et Elizaveta Svilova au sein d’unités de production, développent successivement un ensemble de propositions stratégiques et de mises en pratique de l’organisation de l’information cinématographique dans l’URSS des années 1920-1940 (actualités, propagande, pédagogie) qui rompt avec le système usuel de séparation (vertical et hiérarchisé) de la production, en pluralisant et congédiant la notion d’auteur, lui substituant celle de coordinateur d’un réseau de correspondants et réfléchissant ces dispositions dans la mise en œuvre même du « texte » filmique. Tous les composants du dispositif cinématographique se voient ainsi redistribués – destinateur, destinataire, technologie, représentation – eu égard à la fonction sociale qui lui est donné et à son inscription dans la relation aux pouvoirs politiques.