Mercredi 27 mars | 18h | salle Unithèque 4.215
Machines à voir au XIXe siècle : inventions techniques et variations métaphoriques
Delphine Gleizes (Université Grenoble Alpes)
S’intéresser aux « machines à voir », c’est s’attacher à un ensemble d’objets et de dispositifs en apparence divers : des instruments d’optique destinés à augmenter la vue humaine (tels le microscope ou le télescope) déjà installés dans le paysage techno-scientifique depuis des siècles ; des appareils qui enregistrent ou produisent de l’image (fixe ou animée) et qui sont des innovations du XIXe siècle (kaléidoscope, phénakistiscope, chambre noire photographique, Cinématographe, etc.) ; des spectacles optiques comme la fantasmagorie, le diorama ou le panorama ; parfois même des machines à communiquer impliquant l’interaction audiovisuelle. Ce vaste ensemble hétérogène, qui participe des mutations du regard sur le long XIXe siècle, est en fait régi et unifié par des caractéristiques communes : scientifiques, spectaculaires et médiatiques.
Il s’agira de suivre la trajectoire qui accompagne l’émergence technologique puis la vulgarisation de ces objets médiatiques et d’en envisager le rendement dans l’imaginaire collectif d’une époque, le XIXe siècle. D’un point de vue méthodologique, en prenant appui sur quelques études de cas, on interrogera ce qui, sous l’angle technique et pragmatique (pour reprendre les catégories définitionnelles du dispositif proposées par Philippe Ortel) autorise l’usage paradigmatique des machines à voir dans le discours social en général et dans le texte littéraire en particulier. Ou pour le dire en d’autres termes : comment et pourquoi les machines à voir font-elles image ?
Jeudi 25 avril | 18h | salle Unithèque 4.215
“The Prisoner’s Cinema”: performing brain science in the 1950s
Andreas Killen (City College of New York)
In the 1950s scientists and clinicians investigated a form of hallucination known as “the prisoner’s cinema.” In doing so they drew on a wide range of novel techniques whose appearance at this time contributed to making the brain a newly explorable organ. This paper examines the role of psychologist Donald Hebb – leading architect of the cognitive revolution that contributed to the emergence of today’s “cerebral subject” – in the study of this syndrome, and relates it, on the one hand, to his effort to forge links between psychology and neurophysiology, and on the other to his brainwashing experiments – specifically, his research on sensory deprivation and the effects of exposure to propaganda. In both contexts, the study of hallucination carried important implications for Hebb’s answer to the problem of doubt about knowledge of the external world.
Mercredi 22 mai | 18h | salle Unithèque 4.215
Le grand bazar de la lanterne magique indienne
Amandine D’Azevedo (Université Paul-Valéry, Montpellier 3)
Soudain, Krishna domine le démon-serpent Kaliya au fond du fleuve ! Un miracle : l’enfant-dieu a vaincu le démon. La divinité est là, face au public. Cette image existe sur des millions de représentations en Inde, depuis des centaines d’année. Elle existe aussi dans un film, Kaliya Mardan, (1919, de Dadasaheb Phalke, le « père du cinéma indien ») et sur une petite plaque de lanterne magique…
Si le film est connu, inscrit dans l’histoire du cinéma muet indien, la plaque de lanterne, elle, est longtemps restée muette. L’unique lanterne magique indienne, déposée dans les archives du film de Pune (NFAI) pendant des décennies, a gardé tout son mystère. S’il reste peu d’éléments à son sujet, ses plaques survivantes, éclatantes de couleurs et animées, entrouvrent un univers foisonnant de dieux et de déesses, mais aussi de saynètes humoristiques et épiques. Il faut alors creuser, pour tenter de retracer les histoires de ce dispositif en Inde, pour lequel il ne reste quasiment aucune archive…
Lorsque la lanterne magique arrive en Inde, dans les bagages des colons, elle sert avant tout à des fins éducatives et religieuses : c’est un support pour promulguer des règles hygiénistes, expliquer des principes agricoles ou encore présenter la religion par le fait de missionnaires. Cette conférence propose de regarder une autre histoire : celle d’une appropriation vernaculaire, une réinterprétation magique, qui a fait de cet objet colonial le véhicule d’une imagerie indienne. En regardant les plaques animées de cette lanterne familiale, qui sera exploitée de 1892 à 1918, on plonge dans un univers coloré, religieux, où les grands héros des récits mythologiques croisent tigres et paons, où les déesses rencontrent des danseuses en rang, et où les aventures de Krishna s’entremêlent à des défilés militaires. Loin de lisser une histoire complexe, où beaucoup reste à découvrir, cette conférence propose de déplier le champ visuel à l’œuvre derrière l’histoire locale d’une famille qui, à la fin du XIXe siècle et au début du XXe, s’empare, dans la région de Bombay, d’un dispositif occidental qu’ils vont modifier, transformer, façonner pour qu’il devienne un spectacle dévotionnel populaire indien.