Thèse de doctorat de Marie Sandoz
Quel intérêt peut bien revêtir la « petite » Suisse pour éclairer l’histoire des communications par satellite ?
Le 4 octobre 1957, le fameux bip-bip du satellite soviétique Spoutnik déclenche la Course à l’espace. Un an plus tard, le premier satellite de communication expérimental est mis en orbite par les Etats-Unis et, à partir de 1964, des services de téléphone et de télévision par satellite sont commercialisés. Dès lors, ils ne cesseront de s’étendre pour devenir cet élément à la fois essentiel et quotidien de nos systèmes de communication.
Or, la Suisse n’est pas, loin de là, une actrice de premier plan de cette histoire dominée par les grandes puissances économiques mondiales. La Confédération n’a jamais mis en place un programme spatial national et, par conséquent, jamais placé son propre satellite de communication en orbite. La perspective helvétique offre donc à l’histoire des communications spatiales une analyse qui navigue entre le centre et les marges. Depuis la Suisse, il est moins question de s’intéresser au développement de cette technologie transnationale qu’à son intégration dans un territoire donné.
De la mise en scène d’un téléphone transatlantique au Comptoir suisse de 1962 à la stratégie de la délégation helvétique lors de Conférence mondiale sur la radiodiffusion par satellite de 1977 en passant par la politique multilatérale de la Société suisse de radiodiffusion (SSR), un projet néolibéral de télévision internationale porté par des publicitaires et des éditeurs de presse ou encore par l’évolution des représentations visuelles de la Grande Oreilles de la station de Loèche, cet ouvrage dévoile la pluralité des facettes de l’intégration des communications spatiales sur le territoire helvétique.
Il met en évidence les négociations conflictuelles qui la façonnent, que ces luttes se déploient sur le plan juridique, diplomatique, technique ou culturel. Cet ouvrage replace les communications spatiales dans des évolutions de longue durée et dévoile les jeux d’échelles à l’œuvre dans leur appropriation par des acteurs helvétiques variés. Il détricote ainsi le mythe du satellite comme le vecteur d’une révolution globale des communications tout en proposant une histoire résolument transnationale de la Suisse par le biais de ses acteurs et de ses infrastructures médiatiques. En croisant les historiographies et les approches théoriques, il propose, enfin, une réflexion sur les reconfigurations historiques du téléphone et de la télévision et, plus généralement, sur les modalités de l’innovation technologique.