Etudiant·e* (SSP), Association féministe universitaire (AFU)
« Le fait de vivre en tant que femme précaire m’a exposé·e à plus de violences que la moyenne et a participé à me marginaliser encore plus à certains moments. Ce sont notamment ces expériences d’exclusion, mais aussi de solidarité, qui m’ont sensibilisé·e aux enjeux féministes et antiracistes. »
* Cette écriture est un choix personnel de l’auteur·e, qui reflète son questionnement sur la binarité homme-femme.
- Que faites-vous actuellement à l’UNIL?
Je suis en master de science politique. Je suis également assistant·e-étudiant·e et travaille en collaboration avec l’association des étudiant·e·s de SSP (l’AESSP) et le décanat de SSP : avec deux autres étudiants, nous animons des tutorats tous les jeudis après-midi. Ce sont des ateliers créés par les étudiant·e·s pour les étudiant·e·s, afin de nous entraîner et améliorer les « compétences transversales », comme la prise de note, la présentation orale, la dissertation etc.
- En quelques mots, quel est votre parcours ? Et en quoi le fait d’être une femme l’a-t-il influencé?
Mon parcours est, comme on dit, en « dents-de-scie ». Je n’ai pas la matu et dès 19 ans, j’ai travaillé pour être indépendant·e. Ça a toujours été quelque chose d’important pour moi. Lorsque j’ai réalisé que sans formation, je resterais « coincé·e » dans des jobs pénibles et mal payés, j’ai décidé de tout faire pour reprendre des études. Quelques années plus tard et de façon assez inattendue, j’ai pu faire une école préparatoire et passer l’examen préalable de la faculté SSP. Une fois immatriculé·e, j’ai continué à travailler à temps quasi-plein, car je n’avais pas droit à une bourse. J’ai redoublé la propédeutique mais j’ai continué mes études coûte que coûte. C’était difficile et j’ai été parfois dans des situations très précaires : par exemple, j’ai été longtemps sans logement. Mais les choses se sont stabilisées et j’ai obtenu mon grade en 2016.
Outre les enseignements, ce sont surtout des rencontres avec d’autres étudiant·e·s qui ont marqué mon parcours. Je me suis d’abord politisé·e dans des associations facultaires (l’AESSP). Puis, avec des camarades, nous avons eu envie de construire nos propres associations. Alors il y a eu LA PEL’ (l’Association de Permaculture Estudiantine Lausannoise) et aujourd’hui l’AFU (l’Association Féministe Universitaire). Toutes les rencontres faites à l’université ont été fortes et m’accompagneront encore longtemps. Je pense que le fait de vivre en tant que femme précaire m’a exposé·e à plus de violences que la moyenne et a participé à me marginaliser encore plus à certains moments. Ce sont notamment ces expériences d’exclusion, mais aussi de solidarité, qui m’ont sensibilisé·e aux enjeux féministes et antiracistes.
- Quels sont selon vous les principaux enjeux actuels de l’égalité hommes-femmes, à l’université et dans la société?
Évidemment, on pense aux luttes pour l’égalité des salaires et contre les discriminations à l’embauche, à l’accès et à la qualité des soins, à la parentalité, au harcèlement, aux violences, etc. Ce sont des luttes qu’il faut continuer de mener, elles sont importantes et nécessaires. Par exemple, l’AFU participe à la campagne contre le harcèlement aux études.
En ce qui me concerne, je suis en questionnement sur la notion de binarité homme-femme. Par ailleurs, la classe des femmes n’est pas homogène. Si on veut porter un discours et un projet d’émancipation collectif qui soit vraiment inclusif, donc qui bénéficie à tout le monde, je pense qu’il faut prendre conscience de cela. Ce que je veux dire, c’est qu’en dehors des oppressions sexistes, il existe d’autres inégalités qui privilégient certaines personnes par rapport aux autres ; selon qu’on est issu·e de classe populaire ou plutôt aisée, qu’on est « cis » (en accord avec le genre assigné à sa naissance) ou non, blanc·he ou racisé·e, hétéro ou non, valide ou pas etc. Nous évoluons dans une société patriarcale et raciste qui réduit comme peau de chagrin les opportunités pour une majorité de personnes.
Sur toutes ces questions, il existe de nombreux champs de recherches académiques féministes et postcoloniaux, qui gagneraient à être plus visibles à l’université. Mais lutter pour ses droits et/ou être un·e allié·e dans la lutte ne nécessite pas de diplôme universitaire. Partout, ces questions peuvent et doivent être abordées : sur les lieux de travail, dans les arts populaires, à l’école, dans les familles, entre ami·e·s etc. L’émancipation collective de tou·te·s ne pourra avoir lieu que si on parvient à apprendre des expériences des un·e·s et des autres, à dé-construire et dé-coloniser nos mentalités et nos pratiques.