L’importance des valeurs démocratiques, piliers de notre institution et de notre société

Il y a exactement 30 ans, à l’occasion du cinquantième anniversaire de la libération de l’Europe, Umberto Eco prononçait un discours à l’Université de Columbia nous mettant en garde contre le retour du fascisme : « L’Ur-fascisme est susceptible de revenir sous les apparences les plus innocentes. Notre devoir est de le démasquer, de montrer du doigt chacune de ses nouvelles formes – chaque jour dans chaque partie du monde ».

Ce discours ne peut qu’interpeller, en particulier en 2025, alors que nous allons célébrer 80 ans d’une Europe libre. Coïncidence du calendrier, cela fait également 100 ans que Benito Mussolini prononçait son discours du 3 janvier 1925 devant le Parlement italien, considéré parfois comme le point de bascule vers le totalitarisme.

Si j’ai choisi d’aborder cette question sensible en ce début d’année, c’est qu’elle a un écho particulier pour l’UNIL. En effet, notre institution a malheureusement failli en octroyant un titre de doctorat honoris causa à Benito Mussolini en 1937. C’est un acte condamnable. Cela ne fait aucun doute, et je l’ai condamné publiquement au printemps 2022. La Direction a alors fait le choix de ne pas effacer cet acte, et de l’assumer en tant que partie intégrante de l’histoire de l’UNIL. Faisant écho à la thèse d’Umberto Eco, nous estimons préférable d’assumer nos erreurs, de les expliquer et de les documenter. C’est une manière pour nous de dire que nous avons tiré des leçons de ce passé, pour que jamais nous ne tombions à nouveau dans les mêmes pièges. Nous nous sommes également engagé·es à mettre en place une politique mémorielle, et je vous invite, d’une part, à visiter l’exposition éclairante en cours sur le campus de Dorigny.

D’autre part, j’aimerais insister sur le fait que le fascisme, tel que défini par Umberto Eco, est en opposition directe avec la mission que nous portons ensemble, ici, à l’UNIL. J’aimerais en faire la démonstration en 5 points après avoir choisi quelques critères parmi les 14 énoncés dans le discours de l’ancien professeur florentin :

  1. Umberto Eco parle de la peur de la différence comme d’un élément clé du fascisme. Cette idéologie rejette toute diversité et considère les différences culturelles, religieuses ou sociales comme des menaces. À l’inverse, l’UNIL est un lieu où nous valorisons la diversité et l’ouverture d’esprit. La richesse de notre institution réside dans la variété des perspectives, ainsi que dans l’interaction entre des personnes issues de cultures et d’horizons différents. 
  2. Là où le fascisme impose une pensée unique et un refus de toute critique, notre université, elle, valorise l’indépendance académique et l’esprit critique. La pensée fasciste, comme l’indique Umberto Eco, exalte l’action pour l’action, élevant l’obéissance et condamnant la réflexion. À l’UNIL, au contraire, nous encourageons chacun·e à interroger, à analyser et à remettre en question les idées établies. La liberté de critiquer et de débattre est au cœur de notre mission, car elle permet de faire avancer la connaissance et de garantir un progrès authentique.
  3. Umberto Eco évoque également la glorification de la guerre comme caractéristique du fascisme. Or, en tant qu’université, nous nous engageons résolument pour la paix, le dialogue et la résolution pacifique des conflits. Notre mission est de préparer nos étudiantes et étudiants à devenir des citoyen·nes responsables, capables de construire un monde plus juste et plus pacifique. Pour nous, l’éducation est un moyen de promouvoir le respect mutuel, et non l’affrontement. En cela, notre institution se situe à l’opposé des valeurs de violence et de haine qui caractérisent l’idéologie fasciste.
  4. Un autre point fondamental est notre rejet de l’élitisme exclusif que prône le fascisme. Là où l’idéologie fasciste érige une hiérarchie rigide et autoritaire, l’UNIL défend l’égalité des chances et promeut un accès ouvert au savoir. Nous croyons en la capacité de chacun·e, et nous travaillons à faire de l’université un lieu où le travail et l’engagement doivent être récompensés, indépendamment des origines ou du statut social.
  5. Enfin, nous promouvons l’esprit de collaboration et de respect mutuel, là où l’idéologie fasciste valorise un culte de la virilité et des comportements agressifs ou autoritaires. Notre communauté académique est fondée sur des relations bienveillantes et sur la coopération. Nous cherchons à créer un environnement où chacun·e se sente respecté·e et soutenu·e dans son parcours intellectuel et personnel. 

Notre engagement à l’UNIL est celui de promouvoir un savoir libre, éclairé et inclusif, un savoir qui contribue à bâtir une société plus ouverte, plus juste et plus respectueuse. Le fascisme, tel que décrit par Umberto Eco, représente tout ce que nous rejetons : la peur, la haine de la différence, l’autoritarisme, le refus de la critique et de la liberté d’expression. Face à cela, je souhaite réaffirmer en ce début 2025 notre attachement à des valeurs démocratiques et humaines, qui doivent impérativement rester les piliers de notre institution et de notre société.

Merci de partager avec moi cette conviction en maintenant un discours qui soit toujours nuancé, et merci de faire de l’UNIL un lieu où ces valeurs continuent de prospérer.

Je vous souhaite une excellente année 2025. 

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