Élémentaire mon cher… Vincent!
Sherlock Holmes a immédiatement fasciné Vincent Delay lorsqu’enfant, il a pénétré pour la première fois dans le salon du détective privé, reconstitué au Château de Lucens. Des années plus tard, il crée la Société d’études holmésiennes de la Suisse romande afin de partager sa passion pour ce personnage érudit et humaniste et contribuer à la préservation du patrimoine historique et culturel.
Faculté de droit, des sciences criminelles et d’administration publique
Licence en droit, mention droit suisse (1995)
Votre création
Son nom: La Société d’études holmésiennes de la Suisse romande
La Société d’études holmésiennes de la Suisse romande ne dispose pas des ressources nécessaires pour animer un site web. Elle a été créée avant l’irruption du web dans nos vies et a pour objet aussi de perpétuer cet âge plus innocent.
La Société d’études holmésiennes de la Suisse romande a plusieurs buts. Le premier est de promouvoir les études holmésiennes en réimprimant et en traduisant en français des essais classiques en la matière, en publiant des nouveaux essais et en éditant tout document présentant un intérêt historique relatif aux études holmésiennes.
Le deuxième est de promouvoir les recherches sur la vie et l’œuvre de Sir Arthur Conan Doyle et de mettre en évidence les relations entre ses œuvres et les sciences forensiques en rééditant ou publiant les études à ce sujet.
Finalement, le troisième but est de mettre en valeur tout ce qui, en Suisse romande, a un rapport avec Sherlock Holmes et Sir Arthur Conan Doyle, tels que le site de l’ancien Hôtel National à Lausanne, l’Institut de police scientifique de l’Université de Lausanne, le fonds Conan Doyle de la Bibliothèque cantonale vaudoise ou le musée Conan Doyle de Lucens.
Votre idée
Dans les années 1980, j’avais visité en tant qu’écolier le Musée Sherlock Holmes installé, à l’époque, dans le château de Lucens.
J’avais été fasciné par la reconstitution de son salon, avec l’impression de mystère qui s’en dégageait ainsi que par la qualité des documents présentés dans l’exposition. J’y ai trouvé la représentation d’un mode de vie qui me convient, sous la forme d’un héros érudit et humaniste. Le confort du salon du 221b Baker Street offre aux personnes qui viennent consulter Holmes un lieu où elles peuvent lui exposer leur problème et auxquels il va apporter une solution. Holmes n’est pas un héros qui crée le désordre ou perturbe les autres pour des motifs égoïstes, il ramène la paix dans une situation troublée. En cela il est altruiste, au service des autres. La reconstitution du salon de Holmes permet une immersion dans un univers littéraire qu’elle concrétise, phénomène à l’époque quasiment unique. Depuis cette visite je suis devenu un passionné de Sherlock Holmes.
Par la suite, j’ai découvert l’œuvre d’Arthur Conan Doyle, dans l’édition Rencontre, qui était encore bien présente à l’époque dans les bibliothèques publiques. Cette édition contenait un abondant appareil critique. On y apprenait ainsi l’existence d’une littérature consacrée à Sherlock Holmes et de clubs où se réunissaient ses aficionados. Sur le continent, à l’époque (avant Internet), il était quasiment impossible pour un jeune de se procurer cette littérature et d’adhérer à l’une ou l’autre des sociétés existantes.
Bien des années plus tard, en 1998, j’ai rencontré Marcus Geisser, qui avait fondé une société d’études holmésiennes en Suisse alémanique et qui m’a fortement encouragé à faire de même pour la Suisse francophone.
C’est pourquoi, au début de l’année 1999, j’ai décidé de fonder la Société d’études holmésiennes de la Suisse romande, car j’ai constaté que mes amis étaient aussi des passionnés de Holmes : tous l’avaient lu et y avaient trouvé de l’intérêt. Il était donc possible de constituer une amicale sur des bases formelles avec Holmes pour thème, prétexte à partage et réunion.
Un peu plus tard, en 2001, le Musée Sherlock Holmes a dû quitter le château de Lucens. J’ai donc été approché par la commune et par la Fondation Sir Arthur Conan Doyle pour accompagner cette transition. Depuis je suis aussi le « conservateur » de ce musée et participe à sa gestion au sein d’une petite équipe, regroupée sous l’égide de Association des amis du Musée Sherlock Holmes de Lucens.
Quelles sont vos convictions, valeurs à vous en tant que personne ?
Je suis très concerné par la préservation du patrimoine. Elle va de pair avec celle de l’environnement. Mais tandis qu’il y a dans la société une large prise de conscience par rapport à l’environnement naturel, on assiste à un fort recul de la préservation du patrimoine historique et culturel. C’est pourtant aussi un problème environnemental: nos enfants vivront dans un monde de plus en plus oppressant, avec un gommage systématique des références visibles au passé. Ce phénomène est particulièrement visible du point de vue architectural et urbanistique, où il va en s’accélérant, avec une absence quasi-totale de prise de conscience dans la population.
Quelle est la raison d’être de votre société ?
Créer une association holmésienne permet de donner accès aux holmésiens francophones de Suisse romande à des traductions d’essais classiques écrits sur Sherlock Holmes. En effet, ceux-ci étaient souvent indisponibles et n’étaient pas traduits en français. L’association publie ainsi des « Mémoires et Documents », sous la forme d’un cahier par année, en principe. Ces brochures présentent des traductions de textes introuvables ou des essais originaux. Le personnage de Sherlock Holmes est exemplaire par ses capacités exceptionnelles et son côté profondément humain. Les analyses de cette œuvre donnent envie de la redécouvrir et leur partage concrétise le lien existant entre les lecteurs.
Pourquoi est-ce que vous vous levez le matin ?
Pour prendre le petit déjeuner: c’est le repas le plus sympathique de la journée. Sans vouloir lui ressembler, Holmes était aussi un grand amateur de petit-déjeuner. Mais il était un ascète vivant pour sa mission et ne développait pas à côté des loisirs ou des contacts sociaux, contrairement à moi qui, en faisant partie d’une société holmésienne, me consacre à un loisir offrant l’occasion de rencontrer des gens. Holmes est un personnage « entier ». On peut adopter avec profit son professionnalisme dans la vie mais sans en faire un mode de vie en soi. Il nous apprend l’observation et le raisonnement; l’utilité d’avoir une culture étendue; il s’agit d’un héros profondément éthique, sachant trier l’essentiel du superflu.
Pourquoi ce que vous faites intéresse les autres ?
Le personnage de Holmes est à la fois universel et intemporel, car ses qualités (son raisonnement analytique) constituent apparemment un élément commun à toutes les cultures, ainsi que la fascination provoquée par les résultats de son action (résolution d’enquêtes) et par la vertu de ses capacités intellectuelles. Aujourd’hui, il y a des holmésiens jusque dans les endroits les plus reculés ou improbables, y compris dans les pays « émergents » ou se relevant de périodes de guerre. Les jeunes continuent de s’intéresser et se passionner pour ce personnage et les récits qui le concernent. Holmes fait désormais partie du « catalogue » de héros qui se transmet de génération en génération, avec parfois des interprétations et des transpositions personnelles à différents auteurs ou réalisateurs. A cet égard, il est devenu un mythe, ou un classique.
Votre conseil d’expert
Lors que l’on créé une association de loisirs qui en soi ne rapporte rien mais coûte, il est primordial de procéder toujours de la manière la plus simple possible. En effet, notre société ne permet plus de se livrer facilement à une activité bénévole en dehors du travail et de la famille. Il convient donc de faire en sorte que ces activités prennent le moins de temps possible, avec un maximum de rendement. Une définition claire des objectifs, notamment, est essentielle, avec une limitation à des objectifs raisonnables.
Par exemple: publier une brochure par année (et non un cahier semestriel); s’abstenir d’avoir un site internet lorsqu’il n’existe aucune ressource pour le créer et le tenir à jour; participer à des événements communs avec d’autres associations poursuivant le même but plutôt que d’organiser soi-même des événements au succès aléatoire.
Article de Jeyanthy Geymeier, Bureau des alumni, 24 juin 2019