Si la Réforme à Genève nous était contée en textes brefs et images d’époque. Un beau livre qui éclaire cet épisode fondateur dans sa dimension collective.
La cause évangélique, au XVIe siècle, a ses martyres, ses théologiens de renom (universitaires ou non), mais aussi ses petites mains qui saccagent les églises pour les «purifier», les piller et dévoiler sur le champ l’impuissance des objets sanctifiés, en donnant par exemple les hosties aux chevaux et aux chiens, sans oublier ses voix enfantines s’élevant en chantant vers le ciel avec un zèle propre à catéchiser leurs parents. Et puis les femmes comme Jeanne de Jussie qui résistent depuis le «pauvre couvent de Madame Sainte-Claire» ou celles qui, au contraire, portent la Réforme comme Marie Dentière… L’histoire «côté chaire» et «côté rue», voilà le but que se sont donné les auteurs de cet ouvrage, dont Christian Grosse, historien des christianismes modernes à la Faculté de théologie et de sciences des religions de l’UNIL.
Les sources consultées (certaines reproduites et «?traduites?» dans le livre afin que nous puissions les lire sans difficulté) proviennent des registres du Conseil (l’équivalent des procès-verbaux du Conseil d’état aujourd’hui) et des archives de l’église, notamment celles qui évoquent le Consistoire, autrement dit l’œil des Anciens (membres avec les pasteurs de cette instance ecclésiastique) sur tous les quartiers de la ville. Véritable tribunal des mœurs et de la foi, cet organe vigilant convoquait les femmes et les hommes pour les remettre dans le droit chemin, sans toutefois recourir aux peines corporelles relevant des seuls magistrats. émanation des Ordonnances ecclésiastiques corédigées par Jean Calvin en 1541, le Consistoire sera défendu à la mort de ce dernier, en 1564, par son successeur Théodore de Bèze, alors que s’esquisse déjà une forme de conflit entre l’église et l’état. La Réforme ne saurait distinguer ce qui relève du sacré et du politique: tout est religieux en somme. Même le théâtre… avant d’être banni.
«Post tenebras lux», vraiment? Plutôt oui: alphabétisation, accueil des réfugiés français, des orphelins, des pauvres… et plutôt non: la menace plane sur les femmes adultères et autres contrevenants, parfois jusqu’à la mort comme pour le médecin espagnol Michel Servet, brûlé en 1553. Quant au «libre examen» du texte sacré auquel chacun pouvait désormais accéder, il ne faut pas imaginer qu’il puisse alors concerner le sens même de l’écriture; il s’agissait plutôt d’évaluer les décisions et les doctrines à l’aune de la Bible.
Ce bel ouvrage collectif découpe la Réforme en petits chapitres clairs et se lit facilement. Un vrai plaisir (modéré comme il se doit).
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Dans cet ouvrage, né de sa thèse soutenue à l’UNIL, Marion Repetti s’intéresse au traitement social de la vieillesse en Suisse. En 70 ans d’histoire de l’AVS, les retraités qui prenaient un repos bien mérité se sont transformés en seniors actifs impliqués dans la société. Aujourd’hui, ces derniers sont même présentés comme des privilégiés. A l’heure où les débats au sujet du financement et des modalités de l’assurance vieillesse sont vifs, l’analyse sociale, historique et politique proposée par l’auteure s’avère utile pour prendre du recul. DS
Prodigieux outil de diffusion du savoir ou machine à lessiver les cerveaux? Cet ouvrage collectif traite des liens tumultueux entre les intellectuels et la radio tout au long du XXe siècle. Les contributions nous font voyager en Afrique, au Québec, en Belgique et en France, ainsi qu’en Suisse romande. Le premier texte évoque par exemple les figures de Ramuz (rétif face au micro), Jean Starobinski (300 émissions archivées à la RTS) et Jean Ziegler (qui utilise le média autant que ce dernier l’utilise). DS
Ils ont beau être minuscules, les atomes possèdent une grande histoire. Professeur honoraire de l’UNIL, François Rothen nous la raconte dans un livre aussi passionnant qu’agréable à lire. L’auteur met en scène les nombreux philosophes et chercheurs qui, de la Grèce antique à nos jours, se sont intéressés aux «briques» de la matière. Les nécessaires aspects scientifiques sont amenés de manière souple dans le récit, notamment grâce aux schémas. Si vous n’aviez rien compris au tableau périodique des éléments, voici l’occasion d’y voir enfin clair! DS
Les inégalités face à la santé et aux soins médicaux relèvent de deux facteurs liés, les déterminants sociaux de la maladie et l’attitude des soignants. Comment améliorer celle-ci pour permettre aux patients surdéterminés par leur situation bio-psycho-sociale de pouvoir accéder à des soins appropriés? Ce livre pionnier dans le monde médical francophone donne des pistes essentielles à partir de cas particuliers bien décrits et de recherches internationales. NR
La construction européenne est au cœur de ce 218e volume des Cahiers rouges de la Fondation Jean Monnet pour l’Europe, installée sur le campus de l’UNIL à Dorigny. Né d’un colloque, cet ouvrage collectif propose les contributions de nombreux chercheurs du continent, en anglais et en français. Celles-ci éclairent plusieurs facettes d’un objet d’études complexe, avec un accent particulier sur les structures et organisations transnationales comme l’OTAN, l’OCDE ou le Conseil de l’Europe, entre autres. DS
La Suisse est-elle dans son assiette?
D’une lecture agréable, ce bref ouvrage ajoute du piment à la routine des courses au magasin. Il traite d’un sujet simple en apparence: quelles sont les règles qui déterminent si un produit alimentaire a le droit – ou non – de se déclarer «suisse»? Face au vaste frigo où s’alignent les yoghourts, le lecteur découvre que la réponse est «oui» pour un yoghourt aux abricots turcs, mais dont le lait et le sucre proviennent des terres helvètes. Au rayon des boissons, la réponse est la même pour une bière dont tous les ingrédients sauf l’eau proviennent de l’étranger.
Comment a-t-on réussi à déterminer cet ensemble des règles, regroupées sous la charmante appellation Swissness? L’histoire remonte loin. Mais les nouvelles lois fédérales concernées, soit la protection des marques et des indications de provenance (LPM) ainsi que la protection des armoiries de la Suisse et des autres signes publics (LPAP), ne sont entrées en vigueur que le 1er janvier 2017.
Cette saga politique et économique est racontée par les auteurs de Manger suisse, parmi lesquels figurent trois chercheurs de l’UNIL, Stéphane Boisseaux, Jean-Philippe Leresche et Rémi Schweizer. Le feuilleton ne manque pas de rebondissements, avec les classiques interventions des différents lobbies et groupes de pression, l’ombre des géants de la grande distribution, le tout sur fond de tensions entre la globalisation d’un côté, et de l’autre le goût croissant de la population pour les produits locaux, depuis la fin des années 90.
Avec pédagogie, les chercheurs détaillent les nombreux labels de provenance qui se trouvent aujourd’hui sur les produits. La carte des produits AOP (appellation d’origine protégée) et IGP (indication géographique protégée) s’avère également bien utile. Enfin, l’ouvrage propose un panorama chiffré de l’industrie agro-alimentaire helvétique. DS