Dans «Cousins germains», l’historien de l’art Dave Lüthi révèle le rôle clé joué par l’Allemagne dans la constitution de l’architecture helvétique.
Le point commun entre Glaris et La Chaux-de-Fonds? Toutes deux, après avoir été détruites par un incendie, ont été reconstruites selon un plan et des principes importés d’Allemagne. Et ce n’est de loin pas l’unique témoignage de l’influence de notre grand voisin sur les constructions helvétiques. Sous le titre Cousins germains, l’historien de l’art Dave Lüthi, professeur associé en Architecture et patrimoine à l’UNIL, s’est longuement penché sur ce thème. Il estime ainsi que plus de deux mille architectes suisses ont quitté leur pays pour se former dans les grandes écoles allemandes entre 1800 et 1914. Et il a retrouvé la trace d’un millier d’entre eux. De quoi battre en brèche certaines idées reçues, notamment celle qui concerne le lien de dépendance de la Suisse, et en particulier de la Suisse romande, à l’École des beaux-arts de Paris.
Parties hautes valorisées
Parmi les bâtiments «allemands» construits en Suisse au XIXe et au début du XXe siècle figurent la première gare de Bade à Bâle, le château historiciste de Hünegg, au bord du lac de Thoune, plusieurs églises et de nombreux grands magasins. Ce qui caractérise ces derniers? Une architecture «verticaliste», des façades rythmées de travées régulières, des meneaux de pierre cachant une structure de béton armé et la mise en évidence des parties hautes par un étage en attique. Un exemple? Le magasin
Grosch & Greiff construit à Genève par Otto Engler de Düsseldorf, un spécialiste en la matière. «L’Allemagne possède des solutions typologiques qui visiblement satisfont aux attentes des Suisses, qu’ils soient alémaniques mais aussi romands», note à ce propos l’auteur.
La présence du Hambourgeois Gottfried Semper à la tête de la Bauschule de l’École polytechnique fédérale de Zurich – dont il a construit le bâtiment principal – aura elle aussi une influence notable. Notamment sur le développement de la villa «comme exercice de style et nouveau type dominant». L’Allemagne joue aussi un rôle non négligeable dans l’introduction du régionalisme et la diffusion du fameux «style chalet», bien éloigné de l’architecture rurale alpine. Et ce sont encore des modèles étrangers qui sont convoqués quand il s’agit d’inventer une architecture nationale. Conçu par Hans Wilhelm Auer, évoquant notamment le Reichstag de Berlin, le projet retenu pour le nouveau Palais fédéral à Berne se caractérise ainsi par son éclectisme européen. Ses principales caractéristiques helvétiques tiennent, elles, aux matériaux utilisés qui proviennent des différents cantons et aux armoiries sur la façade./