Ne pas marcher sur une scène de crime, ne pas toucher aux preuves: des réflexes pour qui enquête dans la vraie vie. Mais qu’en est-il lorsqu’il s’agit de rechercher des traces sur internet, des objets connectés, un portable, une clé USB ou un disque dur? C’est pour répondre à ces questions que ce nouveau CAS a vu le jour. Les quatre modules de sa première édition affichant déjà complet, une deuxième se profile de novembre 2021 à septembre 2022.
Apprendre à rechercher et analyser des traces: tel est le but de ce CAS en Investigation Numérique et Analyse de Données (INAD), dont le coup d’envoi a été donné en novembre dernier. Une formation imaginée par l’École des sciences criminelles (ESC) de la Faculté de droit, des sciences criminelles et d’administration publique (FDCA) de l’UNIL. Mais attention, il n’est pas question ici de n’importe quelles traces: c’est à dénicher celles que les malfaiteurs laissent dans le monde virtuel – d’internet aux différents supports ou objets numériques – que ce CAS initie les participants. Cette formation, qui répond à une véritable demande, s’adresse à «toute personne susceptible de se trouver confrontée à une scène de crime virtuelle», souligne Johann Polewczyk, responsable de recherche à l’ESC et président du comité scientifique du CAS INAD: membres des corps de police ou d’autres organismes étatiques liés à la sécurité, de l’armée aux services de renseignement en passant par les douanes et les administrations. «Aujourd’hui, on est confrontés à des objets numériques dans toutes les affaires», rappelle le professeur Quentin Rossy de l’ESC, coresponsable académique du CAS INAD. Les professionnels de l’enquête ne sont d’ailleurs pas les seuls intéressés: «Une demande existe également dans les banques, les assurances, ainsi que chez les enquêteurs privés», complète-t-il.
Des outils pour tous
«Nous cherchons à former des spécialistes en traces numériques, à donner des outils leur permettant de savoir quelles traces exploiter, comment et pourquoi», résume le Dr Simon Baechler, coordinateur de programme du CAS INAD. Les participants apprendront ainsi à reconnaître les supports susceptibles d’en contenir, du disque dur à la carte mémoire en passant par la clé USB. Ils sauront quels types d’informations y trouver et surtout comment les récupérer sans les endommager ou les effacer. Des connaissances qui vont les aider à comprendre comment agissent les criminels, à remonter aux sources d’un réseau pour le démanteler, voire à organiser une veille pour identifier des produits stupéfiants émergents. «Ce savoir est également utile pour lire un rapport technique et en comprendre les résultats», ajoute le professeur Thomas Souvignet de l’ESC, coresponsable académique du CAS INAD. «Depuis quelques années, la notion de trace dans le monde virtuel est abordée dans le bachelor en Science forensique de l’École des sciences criminelles. Pour les anciens étudiants, ce CAS constitue donc une séance de rattrapage», précise-t-il.
Aucune connaissance en programmation requise
Nul besoin d’être un as de la programmation pour y participer. Il suffit de s’intéresser au numérique et d’être à l’aise dans l’utilisation des systèmes d’exploitation et logiciels. Un bachelor ou un master ou un diplôme de policier ou un titre équivalent, et, idéalement, trois ans d’expérience professionnelle dans un domaine en lien avec le sujet sont également exigés. Le CAS compte quatre modules, à suivre dans leur ensemble ou séparément, en fonction de ses intérêts. La totalité des 32 heures du premier, qui a eu lieu à l’automne dernier, se déroule en ligne. S’y ajoutent 40 heures de travail personnel. Pour les trois suivants, il faut ajouter à chaque fois trois jours de présentiel aux 19 heures en ligne, plus une soixantaine d’heures de travail personnel. La décision de donner la priorité au virtuel a été prise avant la crise sanitaire et est liée au public cible: «Une telle formation, qui manquait en français, vise des personnes qui proviennent de toute la francophonie. La première volée compte d’ailleurs déjà des participants de Belgique, de France, du Canada et du Liban et un Suisse installé dans les Balkans», détaille Simon Baechler. Cette volée, qui a attiré une vingtaine de participants par module, affiche déjà complet. Le CAS figurera à nouveau au programme dès la rentrée prochaine.
Du concret avant tout
«Fondamentaux de l’investigation numérique», le premier volet, qui a eu lieu à l’automne 2020, propose une vue d’ensemble de ce type de recherches et en pose les bases. On y aborde également le droit et la protection des données dans ce domaine. En fin de programme, les connaissances sont validées – toujours en ligne – au moyen d’un QCM.
L’investigation de supports numériques figure au menu du deuxième module, qui s’est tenu au printemps 2021. Il s’agit cette fois de mettre en œuvre le processus d’investigation de scène de crime numérique, du prélèvement de supports à l’interprétation des données provenant d’un ordinateur ou d’un téléphone mobile, tout en apprenant à préserver l’intégrité des traces. Un tour d’horizon des différents outils d’analyse vient compléter cet apprentissage. La session s’achève avec la rédaction d’un rapport et une présentation orale d’un cas pratique.
En mai-juin 2021, le troisième module, intitulé «renseignement forensique et analyse de données», permettra aux participants de mettre les connaissances acquises à l’épreuve d’un exemple tiré de leur expérience. Ce cas fera l’objet d’une présentation orale en fin de session.
Quatrième et dernier module, «investigation et veille sur internet» ira un cran plus loin, explorant le fonctionnement d’internet, les outils de collecte de preuves sur le web et l’analyse de traces internétiques. Prévu en septembre et octobre 2021, il s’achèvera sur la résolution d’un cas reconstitué à partir d’une authentique affaire. Comme ses collègues, Simon Baechler y tient: pas question de ne dispenser que de la théorie, «la pratique nous tient très à cœur, c’est d’ailleurs pour cette raison que nous faisons travailler les participants sur des cas concrets», souligne-t-il.
En savoir plus: formation-continue-unil-epfl.ch/formation/cas-inad
Le jeu vidéo, cet objet culturel que l’on ignore
Les gymnasiens sont de plus en plus nombreux à passer du temps devant leur console de jeux. Rien d’étonnant à ce qu’ils souhaitent explorer ce terrain dans leurs travaux, y compris dans ceux présentés pour obtenir leur Maturité. Pour les enseignants, se référer à cet univers dans leurs cours constitue un indéniable atout.
Mais comment analyser récits, fictions et images tirées de jeux vidéo? Comment les transformer en support d’enseignement, à l’instar de ce qui se fait déjà avec d’autres objets culturels – livres, films ou séries télévisées? Ces questions ont amené Selim Krichane, chargé de recherche à la Faculté des lettres de l’UNIL et collaborateur scientifique au Collège des Humanités de l’EPFL, à imaginer cette formation d’une journée il y a un an et demi. Sa première édition s’est déroulée en 2020 sous l’égide du GameLab de l’UNIL-EPFL; la deuxième est agendée au 14 septembre 2021. Elle cible principalement les enseignants du secondaire II en histoire et histoire de l’art, culture générale, littérature et langues. 70% des effectifs de la première volée étaient d’ailleurs issus de ces deux dernières branches.
Du jeu analogique au jeu virtuel
La journée démarre avec une présentation historique du domaine culturel du jeu vidéo ainsi que du champ et de l’histoire des game studies. Une manière de mettre en avant les particularités de ce matériau par rapport à d’autres moyens d’expression, des arts visuels à la littérature. Pour concrétiser le lien entre jeu vidéo et jeu analogique, la matinée s’achèvera avec un atelier proposant un modèle d’analyse du jeu, en recourant à un Monopoly aux règles quelque peu modifiées.
En deuxième partie de journée, sur la base de cas concrets, les participants apprendront à élaborer des contenus pouvant faire l’objet d’un cours. Comment la fiction se construit-elle? En quoi ce processus est-il semblable ou différent d’un récit littéraire? Voilà deux pistes intéressantes à explorer pour intégrer ce matériau à un cours de français, par exemple. Dans un deuxième atelier, les participants éprouveront une nouvelle fois la théorie. En groupe, ils testeront leur savoir tout frais sur un objet concret, en jouant collectivement à un jeu vidéo choisi pour l’occasion. L’opportunité aussi d’échanger leurs expériences.
En fin de journée, ils devraient ainsi disposer d’outils d’analyse du jeu vidéo qui leur permettront d’en décortiquer une séquence. Ils pourront également valoriser les connaissances et compétences acquises par les élèves à travers leur pratique du jeu. Des références bibliographiques, principalement en humanités et histoire des médias et d’autres, ludographiques, compléteront la «boîte à outils» que constitue ce cours. /
En savoir plus: formation-continue-unil-epfl.ch/formation/etude-jeu-video